mardi 30 août 2011

A Podgorica, arrivée du vol en provenance de Londres

"Vol Montenegro airlines YM713 en provenance de Londres les bagages seront livrés tapis 2" annonce l'hôtesse au sol d'une voix suave et langoureuse comme c'est souvent le cas en serbo-croate méridional. L'anglais est plus mécanique, plus technique : ça sent le TOEIC tout frais, c'est parfait.

Une valise court le long du tapis.

Elle n'est pas noire, comme la plupart des valises.

C'est pourtant celle-ci que choisit Ivan, bagagiste senior d'un hôtel 5 étoiles dans la baie de Budva, expressément dépêché sur place pour récupérer toutes les valises en toile monogramme aux couleurs emblématiques de la marque LV.

Ses yeux se penchent alors sur la poignée en cuir qu'il finit par saisir, avant de délicatement caresser ses coins en laiton. Il adore ça, caresser les coins en laiton des valises Louis Vuitton. Ce sont toujours de beaux objets et même après vingt ans, c'est encore un bonheur de venir les chercher chaque jour.

Il la dépose sur le charriot et repart vers son luxury van.

A cet instant, il est très loin de penser qu'il commet une erreur.

Plus:
http://www.montenegroairports.com/eng/index.php?menu=2


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A Budapest, Paco est entre les mains de l'artiste

Immobile et nu
Paco debout
se tient face à celle
qui le dessine
au fusain seins
frémissants sous
le Tshirt XXL

Elle qui est elle ?

Jamais il ne l'a vue

depuis Milan et
l'affaire du journal
le voilà de nouveau
parcourant l'Europe
et peut-être bientôt
le monde, ses 1001
questions toujours
sans réponse...

Seul avancée : il se sait
traqué
alors le mieux peut-être
est de ne plus bouger
du tout
ne plus faire aucun
remous
dans ce monde
déjà fort agité.

Statue ! Freeze !
un jeu
d'enfants.

Et lui qui est-il ?

Un modèle ou
bien...?

Et puis pourquoi le
fait-elle penser
obstinément
à une mappemonde ?

Qu'attend-elle de lui?
Un voyage ou tout simplement
une carte ?

Elle a l'air de se
concentrer sur lui
comme un objet
fantastique

le mystère est total

on peut dire qu'elle
est à fond

son T-shirt est trempé
d'émotions

c'est loin d'être une
séance
banale

focus sans pause
sur celui qui
pose

c'est à peine si
elle voit Budapest
le pont Sissi où
elle espère encore
jouer les princesses,
un jour

dans son dos
loin de l'instant
trouble qui se joue
entre ces deux
enfants
l'écran est encore
bloqué
sur la page de Pôle emploi.fr :

"En raison d'une forte charge, les services en ligne de Pôle-emploi sont actuellement saturés.
Nous vous prions de bien vouloir nous en excuser et vous demandons de renouveler votre connexion en fin de journée.
Si le problème persiste, utilisez les services en ligne par téléphone au 3949.
Merci de votre compréhension." 



en fin de journée que fera t'elle ?

Son problème persiste : elle
demande plus à son sujet

Elle fait signe à Paco de
se tourner légèrement
pour une simple raison
d'ordre esthétique
elle veut voir de profil
son sexe tombant
mieux le représenter
il ne comprend pas très bien
quel mouvement
exact
elle attend
de lui
donc
elle s'approche
doucement longe
ses tatouages et les
lignes de son corps
puis
le parcourt comme
une sculpture en
argile
pendant que lui
reste
                               fantastiquement
de marbre.

Soudain, les projecteurs
s'éteignent laissant
deviner le décor
factice comme-si-nous
étions-dans-cet-endroit-magique
de-Budapest et les gestes
affolés du régisseur
bien connu de toutes les
Russies, Gaspadine
Shapiro qui crie alors
de toutes ses forces
dans le cône renversé
emprunté plus tôt sur
la chaussée près du studio :
"Coupez!"

Plus :
http://www.laprovence.com/article/archives/de-vivants-arts-platiques


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samedi 27 août 2011

A Bormes les Mimosas, Mamie Kervadec s'assoit dans son fauteuil chauffant et massant

Mamie Kervadec s'assoit dans son fauteuil massant et chauffant. C'est la première fois depuis la mort de son petit-fils qu'elle semble prendre un réel plaisir à s'installer dans "petit bijou de confort", c'est presque aussi bon qu'elle l'avait imaginé le jour où n'écoutant que son désir, à la faveur du logo clignotant de manière irrésistible sur la chaîne téléachat, elle avait composé le 0 892 01 02 03 0.34€TTC/mn hors surcoût éventuel selon opérateur. Elle buvait alors littéralement les paroles de Pierre Bellemare ce messie qui ne cessait de marteler d'un ton professoral : "Offrez-vous une séance de massage sans bouger de chez vous ! Ce fauteuil avec repose pieds intégré et une base tournante est une petite merveille technologique : avec 8 moteurs et ses 10 programmes, il masse les points stratégiques du corps, à savoir les épaules, le dos, les mollets, les cuisses, la nuque." La nuque. C'est la nuque de Loic que le couteau de cuisine traversa ce soir-là à l'auberge, ne lui laissant alors aucune chance de survie. L'avait-elle oublié ? Ou bien avait-elle jugé préférable de ne plus jamais y penser, sous peine de ternir ses derniers jours au soleil ? Elle qui avait quitté son Finistère suite au décès de son mari, une mort qu'on qualifia de naturelle cette fois-ci. Normalement les Bretonnes ne quittent pas leur pays, surtout à son âge. Au contraire, elles s'y enracinent comme des terriennes, au point d'en faire un acte mystique, pour y rejoindre la nature, les élements du Triskell, c'est très celte et très légendaire tout ça. Pas elle. Borme les Mimosas ses couleurs du Midi et ses côtes de Provence le long de la RN98 lui rappelaient avec une douceur sans cesse renouvellée ses meilleures vacances avec Jacky. Une vie ponctuée de drames jusqu'à la fin mais aussi de si intenses moments de bonheur, comme toutes les vies en somme, mais la force avec laquelle elle revendiquait la sienne en faisait une personne foncièrement différente, "un personnage la Bretonne !" comme disent d'elle les habitants de ce petit village de Bormes les Mimosas, bercé à la belle saison par le chant monocorde des cigales.

Pourtant, c'est bien un vent breton un avel frais et vif qui vient tremper son visage et l'enveloppe complètement à l'instant précis où elle s'assoit dans son fauteuil massant et chauffant, pour la dernière fois. La Bretonne c'est ainsi revient toujours en son pays.

Plus:

http://www.bormeslesmimosas.com/


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vendredi 26 août 2011

A Tripoli, Kadhafi sirote un sex on the beach

Le barman shake, shake, shake le verre tulipe, y dépose un morceau d'ananas et une cerise confite. Et voilà, M Mouammar, votre cocktail est prêt! Son fils Saïf l'embrasse il revient d'Abou Salim où il a vu la mort en face, la balle du sniper sifflant au raz de sa tempe, laissant apparaître un mince filet de sang déjà séché. Il n'y a que les Américains pour parler de friendly fire mais il se pourrait bien quand même qu'il ait été victime d'une belle boulette de la part d'un de ses partisans. C'est la guerre, dit son père, arrivant en plein dans la liqueur de melon, est-ce que tu as la valise avec toi ? Oui, cette pute d'amazone a bien failli me la chourer quand les rebelles m'ont attrapé mais depuis, elle est en permanence avec moi et je compte bien la mettre à l'abri quelque part en lieu sûr avant de revenir et sauver notre grand pays! C'est bien mon fils, le guide lui montra alors la sortie en l'exhortant de prendre soin de la valise comme de sa propre vie. Mais savait-il au juste ce qui s'y trouvait exactement ? Il termina délicieusement les quelques glaçons au jus de cranberry. La vodka était - il le sentait - entrain de parcourir ses veines.

Plus:
http://www.lexpress.fr/actualite/monde/la-fratrie-kadhafi-et-ses-guerres-intestines_965463.html


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jeudi 25 août 2011

A Milan, on retrouve l'homme au cou de taureau

On retrouve l'homme au cou de taureau à l'automne quelques mois après la mort du jeune Loic Kervadec "sauvagement assassiné" dans une auberge catalane. Il n'est pas encore le hobo stellaire fuyant vers Guadalajara ville dont il ne soupçonne même pas l'existence. Il ne semble également pas se souvenir de Lloret de mar et s'il devait dire quelque chose à ce propos il dirait probablement "un accident". Il ne sait même pas d'où il vient et pourquoi il est là. Son histoire est peut-être à chercher dans les tatouages mais ils pourraient être aussi bien gitans que maoris, c'est ce qu'il se dit souvent au fond de lui. Il devrait alors penser à chercher sa fiancée quelque part dans un village des Carpates contre une belle dot aux parents ou en remontant patiemment un lagon azur bordé de plantes tropicales pour se présenter devant sa promise, et cela fait une différence. Sa langue ? Il ne parle pas. Ou quelques mots à peine, pas assez pour remonter l'arborescence linguistique et mettre une origine sur son visage. L'homme au cou de taureau que nous appellerons désormais Paco n'a rien d'espagnol même si on le prendrait volontiers pour un maure, un andalou trapu dont le physique impressionnant est le résultat de plusieurs années de travaux dans les champs. Au contraire de tout ce qu'on attend de lui, Paco made in quelque part dans le monde travaille aujourd'hui sur un défilé de Salvatore Ferragamo. Dieu seul sait comment il a pu décroché ce job qui pour autant lui va comme un gant. Il est posté au début du podium et contrôle que rien ne gêne la sortie des mannequins droguées à la vodka-valium, chancelant comme des brindilles nues sous le regard lascif et/ou cocaïné de centaines d'invités. Il repousse la caméra de Fashion TV indésirable ici en cas d'alerte incendie, il vérifie les badge de quelques VIP habilités à entrer backstage, il suit le trajet des spots bleus éclairant le sol laqué au rythme du dernier tube de Lady Gaga, et quand maladroitement il aperçoit un model parvenant à peine à soutenir le bracelet qu'elle porte à la main il voudrait la libérer tout de suite car cela lui rappelle..cela lui rappelle quoi au juste ? Il n'arrive pas à s'en souvenir. Bien bel homme dans son smoking tiré à quatre épingles il ne porte pas d'oreillettes comme la plupart de ses collègues. Pas besoin de demander du renfort, il doit agir seul (bien sûr dans la limite de certaines règles très strictes que lui a édicté le responsable du défilé, un certain Rocco qui va t'on savoir pourquoi a vu en lui le gorille parfait pour régner sur sa jungle). C'est maintenant l'entrée de la mariée il ne voit pas sa robe mais la devine élégante au crépitement des flash, et surtout au son de la musique classique qui enveloppe la salle ce n'est plus l'infame Lady Gaga cette musique est douce et calme et lente on dirait presque une musique de retrouvaille quand le héros rentre chez lui à travers une longue épopée et qu'il retrouve sa femme, ses enfants qui l'ont attendu et lui ont survévu (sauf qu'il découvrira ensuite que les choses ne sont pas si simples). Salvatore fini alors par entrer en scène, attention c'est l'acmé, mobilisation générale parmi les bodyguards, il ne faut en aucun cas qu'il arrive quoique ce soit au patron dont le visage a été plus de fois lifté qu'une pauvre petite balle de Roland par Rafael Nadal. Applaudissements. Reprise. Applaudissements de nouveau. Le rideau tombe pour de bon. A ses pieds il découvre un journal jeté pour lui expressément : El Pais titre en police Majerit à larges caractères : "Deux frères relance la piste du boucher de Lloret".

Plus:
http://www.ftv.com/


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mercredi 24 août 2011

Quelque part en Belgique, trois Bretons terminent un chantier

C'est un champs d'algecos quelque part en Belgique au milieu des tulipes importées du plat pays ou alors de Biélorussie.  Aucune certitude. Il se dégage quand même une mélancolie slave mais on pourrait la dire belge aussi. C'est la fin du chantier. On allume un brasero, ça devrait bientôt être la fête comme à la maison se disent Yohann, Loïc et Renan, les contremaîtres bretons. L'ouvrage d'un blanc immaculé a mobilisé plusieurs centaines de charpentiers, soudeurs et boulonneurs du monde entier. Les larmes de fatigues ont rendu le terrain acide, Yohann est aphone d'avoir trop crié dans le talkie-walkie, il ne pense qu'à une seule chose : faire le vide. Ses deux frères (enfin Loïc n'a pas le même père mais le petit dernier est quand même un sacré pilier de la fratrie toujours partant pour de nouvelles aventures c'est lui qui avait motivé le reste de la troupe pour ce chantier : vous vous rendez compte la nouvelle travée du Recouvrance, inratable, c'est notre chance !) dansent autour d'une bouteille de cidre en admirant l'ouvrage qui leur a pris des mois, des peurs et des pages. Elle supportera le poids des rames du futur tram, se lèvera à cinquante mètres pour laisser passer les plus gros vraquier, bref elle fera la fierté de tous les Brestois et surtout de moi, précise Loic, pas peu fier et visiblement enchanté par l'atmosphère de fin de chantier. Depuis leur enfance qu'ils associent au goût acidulé des kremas et aux jeux de pirates dans le jardin de leur grand-mère à l'entrée de Kersaint, les trois frères sont inséparables. Il est donc normal, au long bruit sourd de la corne de brume annonçant la fin définitive des travaux et le rappel de tous les ouvriers pour les festivités, que tous les trois tombent dans les bras les uns des autres. Lourdement. Yohann après avoir demandé leur attention d'un léger mouvement d'index leur dit ensuite tout bas, presque en chuchotant avant de finir avec ce qu'il lui reste d'exclamation : les gars, barbeuc' avec les collègues et c'est parti pour un mois de fiesta en España!

Ils exultèrent alors bruyamment tous ensemble à la we-are-the-champions-my-friends et surent dans l'instant qu'ils allaient se souvenir à vie ou au moins pour très longtemps de ce long moment de bonheur dans les champs. C'est une certitude.  

Plus :
http://www.letelegramme.com/local/finistere-nord/brest/ville/pont-de-recouvrance-travee-en-vue-au-large-d-ouessant-12-07-2011-1364583.php


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lundi 22 août 2011

A Lloret de mar, là où tout a commencé pour le hobo

Deux ans auparavant dans la salle à manger déserte d'une auberge de jeunesse catalane peut-être bien
Lloret de Mar à en juger par les cris hystériques des anglaises spring-breakant dans les dortoirs
un garçon immense cou de taureau et peau métissée parcourue de tatouage tribaux
s'avance vers le pichet de vodka citron posé au centre de la table commune
par un groupe de touristes français sorti fumer leur garrot. Cul sec
et reviennent les français. Impossible de comprendre quoi que
ce soit quand le plus téméraire du lot s'empare furieusement
d'un couteau dont la lame est encore rouge de la pizza
cappriciosa il fonce tête baissée et le garçon au cou
de taureau s'empare du tablier cela ressemble à
une corrida elle se termine comme il se doit :
le Français est mort.

Plus:
http://www.ouest-france.fr/actu/actuDet_-a-Lloret-de-Mar-des-Francais-sont-mal-vus-_3636-1914473_actu.Htm?xtor=RSS-4&utm_source=RSS_MVI_ouest-france&utm_medium=RSS&utm_campaign=RSS


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vendredi 19 août 2011

A Guadalajara, le hobo s'échappe

Ce type a traversé le pays
plus qu'il ne compte
d'orteils et de doigts
il a vu les étoiles apparaître
puis se mettre à danser
avant qu'elles ne disparaissent
sous un voile de nuages,
une vraie sauce épicée :
ciel rouge
et piments volant
vers un arbre où se
poser;

la nuit, définitive, est annoncée
par le hululement d'un hibou
plus mexicain
que n'importe quelle bouteille
de Tequila Sauza.

Le hobo et le hibou
partagent un bout de nuit.

Lui, à son aise,
est adossé à l'arrière
d'un pick-up fonçant
sur une route cabossée
flanquée d'un large
fossé où jonchent,
pêle-mêle :
cadavres de rongeurs,
flasques d'alcools forts
et plastiques non-recyclables;

un vent chaud et sec
balaye son visage
comme dans un beau
voyage.

Plus loin, de la fumée s'échappe
du volcan Primavera
juste après les premières
lumières de la ville :
un bar, un bordel
et un supermarché 24h/24.

Une nouvelle saison s'ouvre
à lui et il le sait d'instinct
en posant la paume tatouée
de sa main (un maori à la gloire de Kena?)
sur la valise qu'il a tant désirée
et avec qui il va maintenant entrer
à près de soixante miles à l'heure
dans la bouillonnante Guadalajara.

Plus:
http://vive.guadalajara.gob.mx/


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mardi 16 août 2011

A Mexico, j'ouvre la valise

Je regarde défiler la parade
depuis la tour Latinoaméricaine
brièvement
repense aux capitales européennes
qui se déchirent dans des ravins
de sang -
Tierra y Libertad ! restera l'unique slogan.

Passé à travers la fenêtre des ténèbres
je suis ici pour toucher de mes mains
la lumière
et réfugié en son sein, caressant
la poussière d'une bouteille
                                            de costières
                                                               dont je sens le tannin
                                                                              sur la table en verre
je contaste,
dans une approximation du bonheur
qu'aucun tirailleur
ne me surveille
sur ma plage,
à cette heure.

Le Mexique devant moi s'étend à l'infini
les autopistas sont des rubans qui traversent
les champs de cactus
par delà la salle de bain de Frida
et les fresques merveilleuses de Diego Rivera.

Ici, en général, un train déraille et on pense
à Pancho Villa
qui s'apprête à entrer en ville
sombrero de paille et moustache bien accrochés
sous les hourras de quelques paysans
quelque part vers 1913
et qui comme le dit alors John Reed
dans le Mexique insurgé
part, tel un bandit récemment alphabétisé, à la reconquête de son pays avec
                                                                                    quatre compagnons
                                                                                               trois chevaux d'appoints
                                                                                                       deux livres de sucre et de café
                                                                                                                                     et une livre de sel.

Lorsque j'aperçois l'attroupement des badauds
                           los mirones
devant la Zapateria San Antonio à l'angle des rues
                       Victoria y Uruguay
je pense donc naturellement à composer le numéro azur
                       de la Révolution :
on voit de plus en plus de terrorisme d'extrême droite
                     partout dans le monde
et au Mexique, devenu désormais l'ultime bastion des indignés
même la dernière fois un allumé
a fait sauté tous les tambours
d'une laverie automatique
à la dynamite maison
selon une recette antique,
du C4 et un téléphone portable :
une dizaine de morts et du linge tâché de sang
pour les siècles à venir.

- Rien de tout cela, Señor
les habitants sont venus écouter
le Lac des Cygnes
joué par un descendant de Tchaikovsky
un russe il va de soi,
et l'on perçoit au bout du fil
entre le standard
et ici
entre la voix
                                                  (qui ressemble vaguement à celle de Marion Cotillard
                                                    penchée au bord d'une falaise new-yorkaise
                                                   je veux dire le même timbre que l'actrice oscarisée
                                                   mais dans sa version exaltée)
et l'oreille du jeune homme
terminant sa poésie
que l'on est déjà pleinement
entré
dans les rêveries
du Prince Siegfried.

Le téléphone coupé
immédiatement
la sonnerie de l'interphone retentit
produisant chez moi le même effet de surprise
que lorsque je ne dansais pas encore avec les morts.

A mes pieds, la valise grande ouverte allait changer
bien des choses.

Plus :
http://www.humanite.fr/11_07_2011-le-myst%C3%A8re-de-%C2%AB%C2%A0la-valise-mexicaine-de-capa%C2%A0%C2%BB-476206


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vendredi 12 août 2011

A Londres, on se fait voler en chemin

Les émeutes communautaires
communes
pour le commissaire
commodes
pour le communiquant
complexes
pour le comte
de Cadbury
en robe de chambre
du chocolat sur les
commissures
Chérie viens voir à la télé
y'a les pakis ils pètent
un plomb!

Le combattant, lui,
quand il sort de chez maman
couvert de simili cuir
armure contre les arguments
                                                 simili combattant
voit la compote des cerveaux
s'en fait un régal fasciste
de la couleur qu'il veut
il est le nouveau militant
rebelle
qui tire les eastpack
et se fait la belle à
à 5 contre 1
pas assez malin
pour t'arnarquer
sur ebay
sans doute trop lâche
pour faire sauter
un fourgon ou une tour de la city
                                                   pourtant sans défense
                                                                face aux agences : ah ah ah !

No, notre facho
il sent que c'est chaud
alors il prend des
barbituriques
avec un soupçon
d'amphétamines
et s'en va casser sa barre
à mine sur
la tête du gamin
au sac à dos
qui ne demandait
rien à part
peut-être mais nous n'en
saurons rien
serrer la main aux
Bobbys et corriger
son accent en
chemin.

http://www.rtbf.be/info/monde/detail_pas-de-pitie-dans-les-emeutes-blesse-un-jeune-homme-se-fait-voler?id=6574353


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jeudi 4 août 2011

A Londres, on est appelé par le destin

La bière avec les collègues
le jeudi au pub
avec son buddy
rue de Carnegie
alors Jack
que j'entends
derrière moi
tape lourde
sur l'épaule
endolorie
où est ta French
touch
you drink too
much
il faut qu'on y aille
Jack
on a rendez-vous
au Charity ball
on doit faire des photos
avec des people
Mika
Lilly Allen
Ashley Cole
et tu sais quoi la petite Pippa
elle parle de toi
depuis qu'elle
a lu tes vers
que tu as taggé
sur la chaise d'arbitre du court
Phillippe Chatrier
"le petit suisse encaisse / les coups de Narcisse / en pleine liesse"
Le Charity
eh oui pour une fois
c'est pas samedi
That's London
tu peux décrocher
la couronne
en personne
et toi t'es là
comme pendu
à la tireuse
bientôt plus vide
que ton verre
absent
sans
énergie
mais je t'assure
Buddy, tu dois
absolument te ressaisir
ils t'attendent
the cream of the crop
tu es le nouveau
poète disparu
et Londres veut te voir
pour cette soirée
absolument
gigantesque
grandiose:
100 peintres flamands
pour sauver le flamant 
rose 
ça ne rime qu'en
français
un coup marketing
pour le WWF
qui en coulisse
assume que le
flamand
-le peintre-
est davantage en voie
de disparition
que le flamant
-l'animal-
c'est drôle ce que je
raconte?
Toi t'aimes ça
Van Dick, Rubens, Teerlinc
y'aura aussi
le régime de banane
les éviers
et de nombreux portraits
de Lucian Freud
le fameux
du surréalisme
minutieux
plein de visages
macérés
des lèvres
gercées
des corps
marbrés
tu verras
les creusements dans
la peau
l'expression picturale
l'épaisseur de la touche
                                             finale
le roman familial
des peintures
qui inspireront
tes futurs
chefs-d'oeuvre
Jack, come-on
stop drinking
like a fish
tiens tu as perdu
ça
tombé de ta veste
que j'ai récupérée
à l'entrée
-C'est quoi cette carte ?
Je vis d'un oeil
renaissant
qu'il sortit
celle du pendu
la douze
                                celle du condamné
                                                         à boire des pintes
                                                                     en attendant un horizon
                                                                                                         dégagé
                                                                   ce soir le passif
                                      qu'il a été
qu'il est encore
manifestement
pour son ami
                             est pris en main
                                                                         par son destin
et c'est tant mieux
pour lui!

-Mike, t'as ton parapluie
let's go ?

Ce dernier
ravi que sa tirade
ait à ce point porté
ses fruits
pris alors
la carte et la glissa
à la page 3 du Sun
négligemment
posé sur le comptoir
la faisant ainsi
disparaître
à jamais
entre les seins
de la playmate
qu'il comptait
bien draguer
ce soir.

Plus :
http://frenchyalondres.wordpress.com/tag/french-touch/



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mercredi 3 août 2011

A Macao, à l'école de Magie

Alors Janice Na-Tcha
la fausse hôtesse de l'air
la vraie magicienne
me remit en main
le grimoire
un bouquin gros
comme ça
devant tour à tour
m'apprendre
comment tordre
le cou au destin,
compter,
empalmer,
réciter les boniments
imparables
ou le transformisme
incroyable
de Maître Yoshi
(vous savez ce japonais
qui au dix-neuvième siècle
pouvait se changer
en serpent)
à mi-chemin entre
le magicien, le roi de la
cabbale et
l'illusioniste roi de
l'escamotage.

-Janice, je te préfère en PNC
quand tu fais démonstration
des consignes de
sécurité
je suis peut-être le roi de la
cavale mais ne compte pas
sur moi pour la cabbale!

-M. Polo, nous avons retrouvé
dans votre poche la carte du
bateleur : tout est dit.

- Tout est dit ? Nous ?

- M. Polo, vous avez un destin

- Oui, et vous m'apprenez justement
à lui tordre le cou

- M.Polo, connaissez-vous Ramon Mercader?

- Oui, le catalan qui a tué Trotski au Mexique, je connais
l'Histoire, merci, j'ai lu l'Homme qui aimait les chiens

-Alors vous savez qu'il trouva le piolet planté dans un tronc
d'acajou le jour où il se promenait à son motel

-Oui...

-Votre piolet, M.Polo, c'est cette carte (elle montre le bateleur)
il existe deux autres cartes qui ne se sont pas encore révélés
mais que vous devez faire apparaître lors de votre séjour à Macao
car nous sommes persuadés que vous êtes programmés pour une
trajectoire grandiose.

(Je repense à Jacques Mornard, Frank Jacson, Roman Pavlovitch, les
nombreux noms d'espions du soldat 13 et son entraînement dans le bois
de Malajovska)

-Nous ce serait pas le Cercle des poètes chinois disparus?

(C'est pendant un rêve là-bas à Canton que j'ai vu de la robe de la gitane
tomber ces trois cartes dont me parle Janice, que je revois encore dans son
corset violet de la Thai Airways, me servant sur un plateau les petits chous
à la vapeur farcis de tant de surprises)

-Nous avons liquidé le docteur Shan, il faisait du mauvais boulot. Vous ne
voulez pas faire du mauvais boulot, M.Polo ?

-Bien sûr que non, je ne veux même pas faire de boulot. Je suis un poète
qui voyage librement, c'est tout, j'aspirais me former un peu à la
prestidigitation parce qu'il faut bien vivre et que les vers ne rapportent pas
mais vraiment, loin de moi, l'idée de devenir la main pleine de sang
d'un complot international.

Janice déboucla alors sa ceinture et se jeta sur moi, avec une vigueur presque
érotique
pour me faire avaler une minuscule pilule rouge qu'elle eût la bonté de faire passer
avec un trait de scotch
suivi d'un long baiser appuyé de ses lèvres légères.
Cela devait faire partie du plan.

-Dors, Jack.

lundi 1 août 2011

A Macao, en avant pour le grand saut !

Les statistiques me feraient
presque
tourner casaque
si je vous le dis
c'est que je compte
les lettres
                        les pas
                                         les jours
                                                           les centilitres
à en être maniaque
des mathématiques
engendrés par 
ma vie
le tic-tac
des montres
des horloges
publicitaires
                          nettoyées à l'ammoniaque
de mon horloge biologique
qui me rend
de manière chronique
insomniaque
me surprend au pied du lit
penser à 
un plan solide
dont je cite un exemple
pour mémoire
"alors oui on pourrait faire ça
c'est simple 
déplacer les départements
et partout enseigner 
la contre-attaque
des mots
jeter son Kodak
dans le caniveau
garder la pellicule
sous son chapeau
et prendre
rendez-vous 
avec l'histoire
                         le temps 
                                             l'espace
pour revenir
en magicien 
irréprochable
anorak à même
la peau
distribuant 
aphrodisiaques
en cacao
dans les rues
de Macao".

Hello !
Le poème n'est pas fini
il commence :
j’atterris à onze heures et demi
mon portable est sans batterie
mais l’hôtesse nous précise bien l'heure
avant qu'on ne 
l'oublie.

Remarque de mon 
voisin :
son tailleur est taillé
pour l'aventure, hein
tu trouves pas?
Robert Mitchum,
citoyen américain,
j’acquiesce bien 
volontiers
ton avis cavalier
mais please
ne sois pas trop
lourd quand même
si tu ne veux pas
terminer
dans la soute
empilé
entre les valises Delsey
et la cage de Mammouth
le fidèle compagnon
de ta copine qui
de l'autre côté de la rangée
ose encore arborer
un sac croco
d'imitation Louis Vit-on? 

Dans ma tête le riff
de guitare dure
des siècles
au moment où les passagers
y compris mon voisin
Robert Mitchum
et sa copine
la maîtresse
de Mammouth
débouclent 
furieusement
leurs ceintures
avec toute
l'adrénaline
d'une arrivée
pleine d'espoirs
de fantasmes
et de non-dits...

Le riff fait que
je lévite
encore
un long moment,
penché contre 
le hublot
observant
l'Asie
si proche de moi
me demandant
si Canton 
ne me retrouvera
pas
dans un de ses casinos
qu'affectionne
la population de 
Macao.

Je me suis 
alors endormi

(d'un sommeil si lourd qu'on peut le croire provoqué)

réveillé
seulement
par une voix
de meuf
dans un bus
flambant 
neuf 
de la Transmac


(j'ai traîné dans trop de cités pour ne pas user du ver lent)

(j'ai dû aussi constater que le terme le plus approprié
 rimant avec neuf n'était pas boeuf, ni oeuf, ni teuf-teuf vous imaginez sinon :

Je me suis 
alors endormi

(d'un sommeil si lourd qu'on peut le croire provoqué)

réveillé
seulement
par l'odeur
pourrie d'un 
oeuf
dans un bus
flambant 
neuf 
de la Transmac


ou encore :

Je me suis 
alors endormi

(d'un sommeil si lourd qu'on peut le croire provoqué)

réveillé
seulement
par le cri 
d'un boeuf
qu'on égorgeait
dans un bus
flambant 
neuf 
de la Transmac


et pour achever ma 
démonstration :

Je me suis 
alors endormi

(d'un sommeil si lourd qu'on peut le croire provoqué)

réveillé
seulement
par le teuf-teuf
d'un bus
flambant 
neuf 
de la Transmac


Alors voilà pourquoi
sans sa meuf
le poète serait bien ridicule!)

J'espère que vous
n'avez pas perdu le fil

Je suis donc assis
dans un bus de la
Transmac, a priori
à Macao, en Asie.

Paupières encore
léthargiques
fixant les majuscules
énormes
Give me a T
Give me a R
...
le bus est
un monstre
de puissance
montant 
à vive allure
la colline de Guia
                                      -la côte combien de pourcents ?-
qui comme le 
dit très justement
la vidéo de 
l'Unesco
renferme 
une chapelle
et le plus ancien
phare des mers du 
Sud.

1622
mille six cent vingt-deux
1 - un
                 6 - six
                             2 - deux
                             2 - deux
me répète
instamment
la meuf penchée
sur moi.

-1622, c'est la date où
les colons portugais
entreprirent la construction de
ce phare.

(Hein, quoi ? 
C'est l'hôtesse !)

- Bom Dia
Niko Polo
Bienvenue 
à Macao
Je suis Janice 
Na-Tcha
et je vais
t'apprendre 
l'art de la 
Magie!

1+2 = 3
2*6 = 12
12-3 = 9
le compte est bon !


Dernier reflux triomphant
de mon ancienne vie
intoxiquée de chiffres 

et de raisons

-Il va falloir s'oublier pour se découvrir, Monsieur Polo

C'est ainsi que le voyage
avec la meuf qui rend neuf
commença, quelque part en territoire
chinois.

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