mardi 25 octobre 2011

Dans un monde élastique, les parenthèses se referment aussi

Myrina est allongée sur son lit, répétant quelques exercices de yoga appris à travers la fenêtre du café. Les lattes grincent et elle peine à se détendre en pensant à cet inconnu.

Yohann est accroupi, un genou touche le carrelage bouillant de la douche. Ses larmes chutent au milieu d'un flot bruyant qui s'écoule ensuite, silencieusement, dans les profondeurs souterraines de la ville. Au bout du voyage, il y a une rivière étrange et puis, de nouveau, la vie. Les nuages de fumées, eux, remontent par petits paquets.

Saïf regarde la roue du scooter tourner dans le vide. Il n'a reçu aucun SMS depuis plusieurs jours. Il sait que la fin est proche. Alors il termine son verre.

Renan est seul parmi les ouvriers. Ils viennent du monde entier. Après Kaboul, Bagdad et Tripoli, où se déroulera la prochaine reconstruction qui leur permettra de gagner leur croûte? Spéculer sur la guerre c'est spéculer sur la vie. Renan se nourrit de l’obsession de pouvoir parler à son frère cette après-midi.  Il ajuste le compas sur le plan de coupe : que devient-il dans sa quête ?

Paco a ouvert la valise. Medusé, il ne peut la quitter des yeux. Etendu sur la moquette d'un ancien open-space il préfère laisser ses coudes souffrir plutôt que devoir s'écarter, ne serait-ce qu'un instant, d'Elle. Dehors, une armée de papillon danse autour d'un serpent à plume. C'est le Mexique. On vole, on danse. Et on sonne à l'interphone.

mercredi 12 octobre 2011

A New York, Paco vole à son propre secours

Alors c'est ça New York ? Où sont les vrais camions de pompiers avec leurs échelles capables de grimper par-dessus les grattes-ciels, les clochards célestes qui racontent leurs nuits blanches dans les wagons, les nuits roses où ils se sont fait entretenir, les nuits lumineuses où ils ont pensé aux premiers jours de leur vie, où sont les majorettes dans leurs combinaisons de latex bleues pailletées à la wonderwoman agitant les drapeaux étoilés avec de drôles de boules de cotons le tout dans une chorégraphie qu'on dirait calquée sur une comédie musicale jouée par des esclaves, il y a longtemps, peut-être au siècle dernier ou au siècle d'avant je ne sais plus, et les fontaines à soda j'ai soif, j'ai terriblement soif, se dit Paco qui depuis l'immigration tournait en rond....

Paco venait d'atterir à Newark, New-Jersey et il avait déjà le sentiment d'urgence de vouloir dévorer cette Amérique fantasmée, image qui devait tenir de son enfance : mais c'est quand, au juste, l'enfance ?

Peu à peu, ses souvenirs semblaient refaire surface alors qu'il regardait les valises tourner sur le tapis à bagages. Sorties de nulle part, elles basculaient ensuite dans la piste ovale qui automatiquement devait les conduire à leurs propriétaires. Lui qui n'avait pas de valise en soute (pour quoi faire ?) pouvait se sentir presque orphelin en voyant le sourire des parents récupérer leurs enfants en qui ils avaient placé le meilleur d'eux-même.

Paco eût une pensée pour sa mère qu'il venait récemment de revoir au cours d'une apparition furtive, c'était à Lorient à l'orée du bois, les quatre jeudis. Il se dit alors que le mieux pour commencer une nouvelle vie, c'était peut-être d'adopter une valise, valise qui serait la première pierre à son édifice familial décrépis, branlant, fait de bribes que les pires acides peinaient désormais à réactiver. Après tout qu'avait dit le Chaman ?

Son esprit n'y voyait plus clair mais le fait de sentir son destin remuant avec une telle intensité au bout de ses doigts -il savait qu'il ne pourrait plus le retenir très longtemps - lui procura bizarrement un bref instant de toute-puissance qui le tint quelques secondes en lévitation au dessus-des chariots grinçants.  Finalement il se dit "je dois le faire". Choix irréversible. Toujours suspendu comme dans un rêve, mais déjà dans un état de concentration suprême, incandescent, lui qui n'était pas un voleur ressentit pourtant le besoin de s'approprier là tout de suite et sur-le-champs un objet qui n'était pas le sien et qui renfermait d'autres objets qui ne lui appartenaient pas non plus. Mais la morale ne pouvait faire le poids face à cette flamme qui incendiait son être de l'intérieur : de quel vol, de quel délit s'agirait-il puisque cette valise  - qu'il choisirait - deviendrait finalement la sienne, par nécessité, par nécessité impérieuse d'un destin qui à lui plus qu'à un autre donnait toujours l'impression que tout dans la vie - et même dans la mort - est programmé.

L'automate possédé se baissa pour ramasser une valise aux coins en laitons si belle sous tous les angles qu'elle rayonna sous ses yeux injectés d'une profonde fureur; derrière lui une brune hystérique criait à tue-tête au pauvre garçon qui poussait son caddie surchargé : "Plus vite, plus vite, je vais rater mon taxi!". Les deux passèrent en courant sous la banderole I LOVE NY. Au moment de passer la douane, le sang de Paco était tout sauf froid.

lundi 10 octobre 2011

A Ljubljana, ce qui surgit de la jungle des souvenirs

Dorinda nage comme un dauphin rose sous les ponts de Plecnik
avec elle même les pierres s'assouplissent - elle est la grande prêtresse !
Myrina tient son café entre les mains puis pile le sucre dans un silence d'or
quelle horreur de penser à son fils jeté à l'aventure !

L'Amazone est un concept, une égérie, un fleuve qui charrie autant de joie que de chagrin
                                                                                                                                           mais quelle joie ?
Courir les perspectives, soulever le rideau des morts et revenir, pour constater qu'après tout :
une arme automatique n'en est pas moins
                                                                            manuelle

Elle observe la performeuse yogi depuis la petite fenêtre,
gestes lents à la lumière du matin
exhortant en douceur sa chapelle
                                                          heureuse

Elle le sait : elle a fait fuir son fils lorsqu'elle lui donna la vie
tout effort pour nettoyer les abîmes
tout effort de ce genre est impossible
                                                                     vain
c'est pourquoi elle aurait tant voulu
lui remettre cette valise
comme l'explication du Monde
rendez-vous compte
l'Amour la Haine et la Connaissance dans une boîte sacrée!

Mais ce n'est pas fini - jamais- et d'autres cherchent un espoir
il le faut bien
il le faut
                 bien
à ce prix seulement
est-il possible de composer sa mélodie
dans ce théâtre de marionnettes
instables
                 explosives
                                   folles de liberté
au point de rompre les attaches
et parfois : toutes les attaches!

Myrina contemple
                                       éternelle
ce bout de ficelle
flottant dans l'air lourd
du café
si vif
on dirait un
                          élastique
soudain
il retombe sur les épaules d'un voyageur
question-piège :
que vient faire cet homme seul à l'accent français
dans ce décor slovène
mimant l'espion
cachant sa peine
à la réception?

Il murmure
Chambre quelque chose
un air d'abandon sort
de ses lèvres fatiguées
elle ignore encore
son nom quand il
actionne la clé
posant sa main usée
sur la poignée
polie.

Sur le registre de l'hôtel
le livre grand ouvert
indique
sous un trait fermement
hésitant :
"Kervadec".

Plus :
http://www.plecnik.net/


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vendredi 7 octobre 2011

A Budva, Saïf n'est pas si naïf

Saïf faillit avoir une embolie pulmonaire la dernière fois qu'on frappa à la porte de sa chambre, alors qu'il se laissait séduire par la promesse de la jouissance en un click proposée dans une interface plus que tactile par le site révolutionnaire usex.com.  Pour une fois que le mot-clé n'était pas "valise". Cette foutue valise. Elle hante son esprit, se cache dans l'entrejambe rasé de cette adolescente (qui va bientôt disparaître de son écran), mais aussi dans le marronnier de Grèce quand il regarde au-delà de la terrasse, à travers les glaçons fondus de son scotch, et qu'il voit les chenilles devenir papillon, les condamnés des pendus, les insectes s'envoler, un coucher de soleil sur l'échafaud, une exécution écologique, au milieu du désert, sans émission de carbone, puis les fosses communes, le retour à la terre sans sacrement, et bientôt il y aura des panneaux solaires pour alimenter la potence et les coups de pelle c'est une bonne idée et il devrait le dire à papa pense t-il sous les danses ivres le rire des fêtards le souffle frénétique dans les trompettes et la sueur sur le front des musiciens patriotes investis qui le transporte insidieusement au coeur d'un manuel de géographie, en plein réel, cette sueur qui délimite les frontières serbes croates monténégrines ou kosovares mieux encore que tous les rivages de l'Adriatique et les chaînes de montagne décidément aussi peu fiable que les prévisions des sismologues et boursicoteurs occidentaux. Son pays est si loin, sa névrose si proche.

L'autre soir, quand cet allumé de Breton (c'est quoi c'est où la Bretagne ?) est venu le voir dans sa chambre qui était celle dans laquelle il aurait du goûter encore une fois la peau salée de Maricris sous un air de vieux rock and roll sur un lit de dollars elle nue avec des escarpins rouges la valise au pied du vaisseau devant les emmener tout droit au septième ciel, il se sentit très seul.

Quand ce taré lui décrit la personne qu'il recherchait, coupures de journaux à l'appui, photos, portraits-robots, obsessions d'un justicier en mission, prêt-à-tout, jusqu'à lui montrer l'empreinte d'un index sur un paquet de chips, et qu'il rêvait de mutiler comme le font d'eux-mêmes les yakusas en faute, et plus si affinités ; quand ce taré en vint à bout de souffle conclure qu'il lui devait de l'orienter sur la bonne piste enfin puisqu'il avait des infos cela lui avait été confirmé à Belgrade de source sûre (de source quoi?), Saif vit un éclair fulgurant traverser son esprit.

Il eût l'impression d'avoir le cerveau coupée en tranche et ce fût bien vrai quand il reconnut le visage de Myrina l'amazone qui avait tout fait pour lui voler la valise, de Misrata à Tripoli. Acide fut l'accès de surexcitation cérébrale. "Je vous ressert, M. Al-Islam?". Ce fugitif devait être le fils de Myrina, donc son demi-frère. Le viol en série a lui aussi ses défauts de fabrication.

L'alliance qui suivit si naturelle soit-elle ne se régla pas à coup de paraphes et de stylo-plumes : retrouver "le boucher" c'était retrouver la valise et donc l'appétit de vivre. Une faim qui justifie les moyens : une poignée de main et une virée au bordel dans laquelle Yohann vit une obligation professionnelle et Saïf une rédemption. Ils masturbèrent ensemble la bouteille de vodka et parvinrent enfin à un accord alors que d'étranges cygnes tournoyaient sur leur table VIP. Yohann travaillerait pour Saïf, qui le financerait dans le but exclusif de mettre la main ce sur parent devenu la pire des nuisances pour son régime.

Plus:
http://www.youtube.com/watch?v=rk3T2NP9Y5o

mercredi 5 octobre 2011

A Paris, en compagnie des dealers de Château-Rouge

A Château Rouge comme ailleurs, on crève de coïncidences, et souvent dans le silence.  Paco est en bas du taxiphone. Le marché noir profite de la nuit. En stock des coques d'iphone achetées dans une banlieue à des chinois impavides. Cette pute en veut une rose pour mieux tapiner car dit-elle "ça ira mieux avec mon manteau". Ce médecin de Lariboisière en achète une pour sa maîtresse, sa croix-rouge d'infirmière, sa croix-verte des soirs d'ivresse et de longues gardes. Le dealer en veut une jaune canari ostensiblement assortie à ses baskets dernier cri. Il demande s'il peut avoir sa photo dessus aussi - ça jette à max! - et Paco lui répond qu'il faut commander qu'il y-a- un-peu-de-délai-mais-faut-juste-verser-la-résa, et il s'en chargera. Paco, sa photo, elle n'est imprimée sur aucune coque de portable mais elle est placardée dans tous les commissariats de France. Elle le montre en sombre videur milanais, irréprochablement élégant, visage formolé dans le masque d'une brute, inquiétant, comme celui qui a l'habitude de porter des cercueils tous les week-end  : bonne nouvelle, il doit encore fuir. Rendez-vous prévu à minuit quinze, pluie fine, éclaboussures sur les billets, maigres affaires, il attend là le Nigérian. Friday, c'est le nom de son contact, a pour lui un passeport "US", garantie 100% "genuine" (authentique).  A l'heure où les migrations humaines - qu'elles soient courtes, définitives ou illusoires- n'ont jamais été aussi nombreuses, le business du faux-passeport est encore plus florissant que l'extraction du brut, la fracturation du schiste, le creusement des couches de phosphates, réunis. Retour sur investissement : 430%. Un labo à Port-Harcourt, deux proches à l'ambassades des Etats-Unis à Lagos, trois sociétés à Houston pour les invitations, un-deux-trois et le tour est joué. Tombent les feuilles d'automnes, traversant en zigzag, lentement, le halo des lampadaires trempés par le crachin. La poche intérieure lourde du cash, Paco pense encore que la poésie peut changer le monde, le sien au moins. Il ferme les yeux un instant et quand il les ré-ouvre c'est pour voir un kolkhoze abandonné, la porte rouillée, un chient errant qui pisse, et un petit montagnard nerveux qui le bouscule : ça y est, un homme de Friday est venu le chercher.

Plus:
http://www.dailymotion.com/video/xj6ivx_l-chateau-rouge-ce-soir-ou-jamais-france-3_music


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lundi 26 septembre 2011

Dans le Bronx, Maricris fait du rangement

A la fin des années 1970, elles habitaient un quartier en ruine, le Sud-Bronx, oubliées des politiques urbaines, laissées à elles-même, en plein chaos. Les immeubles sautaient, car les propriétaires préféraient toucher les assurances plutôt que de les louer aux pauvres. La tante de Maricris était alors toute jeune, et elle trimbalait la môme entre les parties de stick ball le jour et quelques comptines péruviennes le soir. C'est en mâchant des feuilles de coca dans le noir qu'elle veillait chaque soir sur la petite fille endormie : grâce à elle, Maricris eût une enfance de rêve. C'est comme ça que Trujillo, plus tard, la reçut comme une princesse directement importée du paradis américain, elle la lolita à l'épreuve des balles perdues et des sachets de cracks, sans jamais ou presque le savoir. Elle conserva un amour illimité pour sa vieille tante et à l'aura de son succès médiatique, elle n'oubliait jamais de lui rendre visite. Le Bronx était entre temps redevenu nettement plus fréquentable. Les B-boys aussi : ils étaient maintenant des attractions touristiques, comme les lionceaux du parc zoologique tout proche. Les artistes remplaçaient progressivement les gangstas et les rebelles taggaient sur des tableaux. Times were changing chantait le vieil homme mélancolique. On se croirait presque à San Francisco.

La cuisine était emplie d'un épais nuage aux senteurs tropicales, des oignons, des tomates frémissaient dans une poêle, et le poisson donnait en grillant sur la plancha un air de picnic improvisé sur une plage du Pacifique.  Maricris avait de nouveau échoué ici, sur la 174ème rue, et elle comptait pour la millième fois ses valises dans le salon de sa tante. C'est alors que le téléphone retentit. "Crissita, c'est pour toi". Au bout du fil, une voix étrange et familière.

- Maricris, où est ma valise ?
- Saïf? Mais où es-tu? De quoi parles-tu?
- Ma valise. Il n'y a pas de prince russe. C'est moi, c'est ma valise. 
- Comment sais tu pour le prince ? Et puis où étais tu tout ce temps, pour mon anniversaire ? J'en ai marre, Saïf, et j'ai bien réfléchi : c'est fini entre nous, pour un moment, on doit faire un break.
- Maricris, il me faut cette valise, elle m'appartient, je dois veiller sur elle comme une oeuvre d'art. Elle doit me revenir, reste où tu es, je vais essayer de venir à New York. C'est elle que je cherchais et qui m'a empêché de venir à temps te retrouver à Budva. Je suis désolé mais attends moi, j'arrive.
- Inutile, je n'ai plus cette valise.
- Quoi?!
- Je ne l'ai plus, elle à dû se perdre à une escale, ou bien... 
- Ton vol?
- Malev, via Budapest et Milan.
- Maricris, écoute-moi...
- Laisse-moi, Saïf, je ne veux plus t'entendre (mais elle pensa : je ne veux plus jamais t'entendre, abandonnant ainsi son idée initiale qui était de breaker). 

Et sur ce, elle raccrocha. C'est alors qu'elle entendit sa tante, comme au bon vieux temps, l'appeler d'un long et joyeux "Criiiisita, c'est seeerviii!". Elle n'avait plus qu'à suivre le parfum du sudado pour entamer une nouvelle ère, laissant son ex au placard des souvenirs comme on range un vieux CD de hip-hop dans un carton qui ne s'ouvrira plus que par accident. Boogie down, Miss Rubio, qui garda pour le dessert les fruits du hasard, qu'ils soient sortis, ou non, du fond d'un placard.

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vendredi 16 septembre 2011

A Belgrade, Yohann est en Mitteleuropa

Budapest est vide d'indices pour Yohann. La Hongrie est le pays plus triste d'Europe selon les sondeurs. Ici, on se dit volontiers mélancolique. Mais il en faut plus pour qu'il se sente hongrois : il est déterminé, veut prendre la route du sud, du nord, de l'ouest, n'importe quelle route pourvu qu'elle lui offre un espoir de mettre la main sur l'assassin de son frère. Il possède un portrait-robot qu'il a lui-même dessiné, l'esquisse d'une main tatouée et quelques coupures de journaux, à sensation le plus souvent, et quelques unes dont la fameuse du "boucher" d'el Pais, qui a lancé les hostilités et la traque pan-européenne, avant de progressivement s’essouffler.

Son aventure hongroise ne dure pas très longtemps. Il est vite à Belgrade après avoir suivi une jolie Serbe de Novi Sad qui écouta son histoire dans un bar non loin du Danube, en buvant chacun de ses mots comme une série de shots, de plus en plus douloureux mais de plus en plus humains. Cette nuit-là et les quelques jours qui suivirent, elle lui donna ce qu'il cherchait le plus au monde, une étreinte et du réconfort, et cette douceur adolescente qui lui permit de reprendre entièrement à son compte, plein d'optimisme et de fraîcheur retrouvés, l'impitoyable machine du destin.

Il errait désormais dans les rues de Belgrade, arpentant le bitume neuf posé par les chenilles Carterpillar, effleurant les étalages de marché où il dérobait quelques fruits, des cerises et des pommes yougoslaves le plus souvent, s'aspergeant ensuite de l'eau des fontaines, à l'aube, sans aucun but bien précis si ce n'est d'interroger les personnages les plus louches en leur montrant le portrait-robot d'un disparu bien particulier. Il était persuadé que le tueur de Loic était issu de la pègre et que de la pègre il remonterait ensuite à lui. L'ex-Yougoslavie, par chance, ne manquait pas de malfrats en tous genres.

C'est en sortant de l'ascenseur du Stefan Braun, un club prisé de la capitale situé dans un immeuble de bureaux, qu'il tomba, passablement éméché, sur un bande de Kosovars dont il se dit qu'ils étaient forcément au courant. L'alcool lui donna le courage suffisant pour les aborder. Le plus vieux d'entre eux le marqua d'emblée par son physique de talonneur et il sembla y déceler comme un air de famille avec sa cible. Le cou du taureau? Les deux autres, plus grands et plus maigres, on les surnommeraient même flacos en Argentine, étaient tatouées et tous s'exprimaient dans une langue qu'il n'avait jamais entendu jusque-là. Après avoir attentivement regardé le portrait qu'il leur tendit, à la lumière d'un smartphone perçant l'obscurité du renfoncement dans lequel ils se trouvaient au rez-de-chaussée, le mot fut lancé : "Niet". Yohann ne parut pas comprendre, c'était pourtant clair.

Pour eux c'était déjà la deuxième fois qu'un étranger leur demandait service cette semaine ; la première fois c'était un Arabe fortuné qui parcourait les capitales de la Mitteleuropa plus vite qu'un japonais, à la recherche d'une valise griffée. L'Arabe les avaient rincé en dollars, pour la plus grande joie de leur boss. Là il ne s'agissait pas d'une valise mais d'un homme, peut-être même un Kosovar comme eux, et à vrai dire il n'avait aucune envie de se creuser les méninges. Le type, saoul, était probablement fauché et ne valait pas la peine qu'ils s'y intéressent du tout. Mais l'insistance du Breton, farouche et quelque peu déstabilisante pour des caïds de Belgrade comme eux, les força à donner une réponse plus acceptable. Pour Yohann, pas question de se dégonfler, les tergiversations des trois Kosovars étaient le signe d'une piste naissante. C'est alors que le plus jeune des Kosovars suggéra dans une langue plein d'argot, de mettre ce "chien" sur la piste de l'Arabe.

C'est ainsi que l'aîné des Kervadec partit en direction du Monténégro avec une photo qui ressemblait en de nombreux points à celle de Saif al-Islam, alors en pleine orgie pour sa fête d'anniversaire, la seule qu'ils avaient en main et qu'ils avaient déchirée, peut-être bien, d'un tabloid allemand. "This man you must find" furent les mots du vieux caïd.

Yohann se retourna sans attendre, mais il s'arrêta quelques mètres plus loin pour finalement les remercier d'un signe de tête tout aussi ostentatoire que naïf,  alors que ceux-ci juraient déjà dans leurs bombers: "fils de chien, il nous a fait perdre la trace de Slobo, le patron va nous tuer!".

Il contempla ensuite la rue silencieuse et sombre, éclairée seulement par les premiers rayons de l'aube, avant de descendre les marches d'un pas engagé, animé par une certaine fureur de vivre.

En chemin, il entendit le premier rideau métallique se lever.

Plus:
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vendredi 9 septembre 2011

A Lorient, bruits d'avion et hallucinations

C'est aux portes d'un square de quartier, gris et vert, que le taxi lorientais arrête Paco et son bout de papier. Traversant les herbes folles sous les saules qui ne pleurent pas encore, il finit par rejoindre non sans mal le point d'eau qui est aussi le repère du sorcier. C'est là qu'il a une drôle de vision : il se revoit enfant chevauchant le formidable dragon de la fête foraine. Sa mère est là. Elle tient quelque chose de la main gauche et de l'autre, lui fait de grands signes, visiblement heureuse. Le manège tourne, il crie de joie. Soudain, un avion fend lourdement le ciel, il n'a pas encore atteint sa vitesse de croisière. Le bruit de sa course interrompt violemment sa rêverie.

-C'est un long-courrier qui vient de Brest. Maintenant il font des charters pour l'Europe de l'est, les Bretons adorent : on y boit beaucoup et pas cher, les filles sont mignonnes et l'histoire est riche. Budapest, vous connaissez?
-Budapest, oui on peut dire ça. Qui êtes vous?
-Maître Boda, celui que vous cherchez ici, j'imagine. Vous?
-Paco

L'échange est bref, Paco parle très peu mais le sorcier -qui inspirerait une confiance immédiate au plus sceptique des cartésiens- semble pouvoir tout deviner. Lui qui a l'air d'un Bob Marley blanc, dread infinis tongues et costume rasta européanisé par un pantalon souple et classe qui pourrait très bien être celui d'un navigateur multicoque, est en réalité un vrai professionnel qui, adossé à un chêne des marais, toujours le même, s'appuie sans cesse sur la nature pour exercer : "c'est la clé de notre métier!", commente t-il un rien badin avant d'installer son client en face de lui pour le grand rituel. Il maîtrise à merveille le tarot divinatoire, entre autres techniques : il sort un bateleur et un pendu pour Paco, mais doit ensuite s'arrêter car lui-même en proie à une forte hallucination à laquelle, malgré toutes les vicissitudes de son métier, il n'est pas habitué. Il ne lit plus si facilement. Le chamane n'a jamais connu ça, du moins à ce niveau d'intensité. Il prend une inspiration lente puis caresse la peau de son tambour. Son iphone vibre mais il ne l'entend pas. Sortant de sa transe, une seule image imprime sa rétine. Une image qui s'efface progressivement de son esprit et qu'il doit retransmettre aussitôt à Paco, yeux écarquillés, plus fou que toutes les herbes qui l'entourent, visiblement drogué par les effluves de l'encens planté tout autour du chêne : "la Valise est la source, tu dois chercher la Valise".
 

mardi 6 septembre 2011

A Budva, Maricris s'en va

Fini l'été passé à buller et à avaler des tubes entiers de coupe-faim. La bimbo a dépensé tous ses cachets en cachets cette année. C'est vrai que l'ex-Yougoslavie c'est parfois dur à supporter pour une latina pur sang comme elle. Maricris Rubio, la belle de Trujillo, a attendu à Budva des semaines et des mois que son chéri, le fils héritier Saif al Islam, ne vienne la retrouver. Paraît-il que ce dernier est enfin arrivé à Podgorica il y a une semaine déjà mais il a encore une dernière affaire à régler lui a t-il dit, c'est une question de vie ou de mort mais surtout qu'elle ne s'inquiète pas, en tout cas il ne pourra pas la retrouver pour son anniversaire, le 18 septembre, c'est certain, car il est à la capitale pour un petit moment, business my love, qu'elle attende, qu'elle se relaxe, et il arrive dès que tout est fini. "Dès que quoi ?" Elle va avoir 33 ans, fais chier, faut déjà penser à se recycler dans ce métier et en plus son prince charmant est aux abonnés absents! Alors, en nana qui a un peu de respect pour soi, la chica décide de plier bagage, pardon plier ses dizaines de bagages qui jonchent le sol de sa suite nuptiale et qui laissent deviner quantité de vêtements et d’accessoires en tout genre dont, pèle-mêle :

-une robe de soirée en mousseline de soie et dentelle Valentino
-une autre en coton et résille, rebrodée de pois et de velours, plutôt discrète pour son tempérament
-un chapeau en astrakan (avait-elle confondu le Monténégro avec la Russie?)
-quatre paires dépareillées de boots compensées, une rouge et une jaune, flashy, une croco et une léopard, sauvages : les organisateurs de soirées de toute la côte adriatique s'en souviennent encore
-du cuir : des colliers en cuir, un sac cartable en cuir, un pull à empiècements en cuir, une veste en cuir cloqué,  une minijupe en cuir, non deux minijupes en cuir, des mocassins en cuir et vernis rose (le seul cuir pas noir de la série)
-une bonne dizaine de T-shirt en jersey et coton sérigraphiés avec assez souvent des mots anglais imprimés en énorme caractère. On devine ici un "Talking", à moins que ce ne soit justement un "Walking".
-un long poncho d'été, qu'elle a dû inaugurer sur la terrasse de l'hôtel
-un top asymétrique, chic, choc, produit it girl par excellence
-cinq ou six sacs Balenciaga, tous ont l'air en PVC avec un ruban-chaîne en or, mais il y en a un petit sous le top Kenzo, il est en toile brodée monogramme et il s'agit donc probablement d'un LV
- une pile de lingerie et de maillots de bain dans l'esprit color-bloc, très fluo et tape-à-l'oeil donc, et ceux-ci sont à part car (peut-être) encore mouillés, ou bon pour le pressing qui doit bientôt passer relever les fringues à laver. Tout un programme.

A la réception, tout le monde est prévenu. Madame Maricris s'en va. Branle-bas de combat. Pour notre bagagiste senior, c'est une occasion en or et il ne la rate pas : il glisse dans le luxury van la valise LV qu'il sait avoir malencontreusement emportée quelques jours plus tôt à l'aéroport de Podgorica, sans oublier de caresser une dernière fois ses coins en laiton. Retour à la case départ donc pour celle qui commençait à devenir encombrante dans la réserve (on pourrait l'accuser de vol, et il perdrait donc tout droit à sa pension, et devrait  enterrer son rêve de petite maison en bois dans la colline de son village, sa micro-dacha comme il l'appelle, et qui fait aussi la fierté de sa femme avec qui il brouillonne les plans, là ce sera le barbecue, et là l'abri de jardin, chaque fois qu'il a une permanence, c'est à dire presque jamais). Malin comme un monténégrin, il a même prévu sa petite histoire pour rendre l'insertion plus véridique : un jeune oligarque russe, un certain Vassily, pris de passion pour la belle Maricris a choisi de lui laisser ce présent, la valise donc, qui renferme une surprise (de taille souhaiterait-il préciser mais il finit par juger ce détail inutile et l'écarte) mais qu'elle ne doit ouvrir que de retour chez elle, ce point est absolument nécessaire et il insiste bien, et pour confirmer la beauté du geste passionné Vassily a maladroitement écrit ces quelques mots en cyrillique que le bagagiste de ce pas traduira : "ne vous inquiétez surtout pas, maya kiska, la seule chose d'explosif dans cette valise, c'est mon amour pour vous !"

Plus:
http://www.moda.com.pe/te-mueve/moda-clip/maricris-rubio-dej%C3%B3-boquiabierto-%E2%80%98platanazo%E2%80%99-en-%E2%80%9Cal-fondo-hay-sitio%E2%80%9D


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lundi 5 septembre 2011

A Lorient, fin du tournage pour Paco

La lumière du jour brûla les yeux de Paco, le temps n'était pas beau mais lumineux. Shapiro lui jeta son chèque et son anorak : "ne reviens plus me voir, dourak". Fin d'une éphémère carrière. Cette fois-ci, il était seul, sans tip pour rebondir quelque part. Il pensa appeler Mariana en PCV, elle devrait pouvoir le recaser sur un défilé, à Milan. Idée vite écartée car il lui était impossible de faire machine arrière. Le cri des mouettes en vol, tourbillonnant au-dessus du hangar lui rappela, dans un moment de suspension, aveuglé par le soleil invisible, congelé par la fraîcheur du dehors (il était presque nu), celui des vautours dans le désert catalan, quand il avait dû se cacher dans les vignes de grenache, carignan et macabeu : il avait alors pensé à la mort.

Un flyer reposait à ses pieds et il le saisit comme la première chose qu'il ait pu voir en arrivant dans ce monde :

"Professeur Boda 
grand voyant medium compétent"

y annonçait fièrement qu'aucun problème était sans solution.

Il s'habilla sous le rire des oiseaux fous puis héla un taxi direction le jardin des quatre jeudis où officiait le médium lorientais. En partant il put encore entendre Shapiro crier dans son mégaphone : "Vas-y, Laura, fais la hongroise, c'est pour ça que je te paye!". Sur les docks, la tapageuse reconversion était en cours.     

dimanche 4 septembre 2011

A Brest, le deuil et Budapest

Deux garçons sortent d'un cimetière brestois. Heureusement que leur grand-mère a souscrit un contrat de prévoyance "béton" incluant le rapatriement du corps, la toilette funéraire et la mise en bière, sans compter l'inhumation dans un monument tout en sobriété qu'elle a choisi récemment pour sa concession en pleine terre, concession qui a le double avantage d'être un - perpétuelle et deux - à côté de la tombe de Jacky son Jacky auprès duquel elle allait désormais pouvoir trouver le repos éternel, caressée seulement par la fraîcheur du crachin et le nom si doux de son cimetière, Recouvrance. Une profonde grisaille s'abat sur la ville. Heureusement que leur grand-mère a tout anticipé, oui, car sinon les deux frangins n'auraient sans doute que difficilement trouvé la force de se remettre à cette besogne qui depuis l'assassinat de Loïc, marque leur quotidien, de la pause cigarette au whisky avec les copains. La mort violente qui ne vous lâche pas. La mort douce qui vous rappelle la violente. Un cercle vicieux pour Yohann, l'aîné, sans doute le plus marqué. C'est lui qui, dans un élan louable pour penser à autre chose, propose alors à son frère d'aller boire un coup au Tilbury, situé à l'angle d'Anatole France et de Rabelais, non loin du cimetière donc et qui avait entre autres la particularité d'être repérable grâce au signe "Amstel" solidement fixé au dessus de l'entrée. La première bière passe sans un échange de mot. Ce n'est qu'à la première gorgée de scotch que Renan demande "et toi, tu vas faire quoi, maintenant?" comme si la disparition de leur grand-mère devait définitivement diviser la fratrie amenée à se séparer en "toi" et "moi", puis en "lui" et "moi". Renan finit par dire à son frère qu'il a trouvé un bon job, celui de civil work superintendent pour la reconstruction et l'aménagement du nouveau complexe de Bab-al-Azizya, sur les ruines de l'ancien QG de Kadhafi. Il attend le feu vert, imminent, de sa boite d'assistance technique qui d'ors et déjà se mobilise tout entière pour son visa. Il lui paraît indécent d'évoquer son daily rate et il a sans doute bien raison de ne pas le faire. Son frère a de toute façon, lui, un tout autre objectif : depuis le jour de la mort de Loïc en Catalogne, il s'est juré de traquer par tous les moyens celui qui a fait ça. Dans ses souvenirs le couteau occulte parfois la vision d'un tatouage (un maori?) et ce tout petit indice devait lui donner le courage nécessaire de continuer. Interpol, les media espagnols et français, tous se sont mis en branle pour rechercher au delà des frontières ce fugitif mystérieux qui a de sang froid poignardé un honnête touriste français. L'information, les sources, le renseignement, le recoupement : des mots qui remplaçent désormais dans son vocabulaire intime tous les termes de génie civil ou de structure durement appris en alternance de son BTS.Yohann n'est pas nu. Il tient d'un ancien compagnon de piaule à l'armée et qui bosse maintenant sur "l'affaire Loïc Kervadec" pour la gendarmerie, l'information que des écoutes de certains proches du monstre (on parle d'un mannequin à Milan, d'une pute en Slovénie, ce qui prouve bien le côté crapuleux du criminel) ont révélé qu'il se trouve sans doute planqué quelque part à Budapest. La ville revenait en effet souvent dans les conversations, c'est donc probablement un refuge pour celui que les polices n'hésitent plus à surnommer "le boucher Hongrois". C'est pourquoi son annonce, au deuxième scotch posé sur le comptoir, les seuls et uniques mots qu'il adressa à son frère ce jour-là,  parut non seulement fluide mais si implacablement naturelle que Renan n'osa pas, après coup, le questionner davantage :

-Je pars pour Budapest, ce soir.

Restait à faire la valise.

Plus:
 http://www.brest.fr/accueil.html

    
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mardi 30 août 2011

A Podgorica, arrivée du vol en provenance de Londres

"Vol Montenegro airlines YM713 en provenance de Londres les bagages seront livrés tapis 2" annonce l'hôtesse au sol d'une voix suave et langoureuse comme c'est souvent le cas en serbo-croate méridional. L'anglais est plus mécanique, plus technique : ça sent le TOEIC tout frais, c'est parfait.

Une valise court le long du tapis.

Elle n'est pas noire, comme la plupart des valises.

C'est pourtant celle-ci que choisit Ivan, bagagiste senior d'un hôtel 5 étoiles dans la baie de Budva, expressément dépêché sur place pour récupérer toutes les valises en toile monogramme aux couleurs emblématiques de la marque LV.

Ses yeux se penchent alors sur la poignée en cuir qu'il finit par saisir, avant de délicatement caresser ses coins en laiton. Il adore ça, caresser les coins en laiton des valises Louis Vuitton. Ce sont toujours de beaux objets et même après vingt ans, c'est encore un bonheur de venir les chercher chaque jour.

Il la dépose sur le charriot et repart vers son luxury van.

A cet instant, il est très loin de penser qu'il commet une erreur.

Plus:
http://www.montenegroairports.com/eng/index.php?menu=2


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A Budapest, Paco est entre les mains de l'artiste

Immobile et nu
Paco debout
se tient face à celle
qui le dessine
au fusain seins
frémissants sous
le Tshirt XXL

Elle qui est elle ?

Jamais il ne l'a vue

depuis Milan et
l'affaire du journal
le voilà de nouveau
parcourant l'Europe
et peut-être bientôt
le monde, ses 1001
questions toujours
sans réponse...

Seul avancée : il se sait
traqué
alors le mieux peut-être
est de ne plus bouger
du tout
ne plus faire aucun
remous
dans ce monde
déjà fort agité.

Statue ! Freeze !
un jeu
d'enfants.

Et lui qui est-il ?

Un modèle ou
bien...?

Et puis pourquoi le
fait-elle penser
obstinément
à une mappemonde ?

Qu'attend-elle de lui?
Un voyage ou tout simplement
une carte ?

Elle a l'air de se
concentrer sur lui
comme un objet
fantastique

le mystère est total

on peut dire qu'elle
est à fond

son T-shirt est trempé
d'émotions

c'est loin d'être une
séance
banale

focus sans pause
sur celui qui
pose

c'est à peine si
elle voit Budapest
le pont Sissi où
elle espère encore
jouer les princesses,
un jour

dans son dos
loin de l'instant
trouble qui se joue
entre ces deux
enfants
l'écran est encore
bloqué
sur la page de Pôle emploi.fr :

"En raison d'une forte charge, les services en ligne de Pôle-emploi sont actuellement saturés.
Nous vous prions de bien vouloir nous en excuser et vous demandons de renouveler votre connexion en fin de journée.
Si le problème persiste, utilisez les services en ligne par téléphone au 3949.
Merci de votre compréhension." 



en fin de journée que fera t'elle ?

Son problème persiste : elle
demande plus à son sujet

Elle fait signe à Paco de
se tourner légèrement
pour une simple raison
d'ordre esthétique
elle veut voir de profil
son sexe tombant
mieux le représenter
il ne comprend pas très bien
quel mouvement
exact
elle attend
de lui
donc
elle s'approche
doucement longe
ses tatouages et les
lignes de son corps
puis
le parcourt comme
une sculpture en
argile
pendant que lui
reste
                               fantastiquement
de marbre.

Soudain, les projecteurs
s'éteignent laissant
deviner le décor
factice comme-si-nous
étions-dans-cet-endroit-magique
de-Budapest et les gestes
affolés du régisseur
bien connu de toutes les
Russies, Gaspadine
Shapiro qui crie alors
de toutes ses forces
dans le cône renversé
emprunté plus tôt sur
la chaussée près du studio :
"Coupez!"

Plus :
http://www.laprovence.com/article/archives/de-vivants-arts-platiques


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samedi 27 août 2011

A Bormes les Mimosas, Mamie Kervadec s'assoit dans son fauteuil chauffant et massant

Mamie Kervadec s'assoit dans son fauteuil massant et chauffant. C'est la première fois depuis la mort de son petit-fils qu'elle semble prendre un réel plaisir à s'installer dans "petit bijou de confort", c'est presque aussi bon qu'elle l'avait imaginé le jour où n'écoutant que son désir, à la faveur du logo clignotant de manière irrésistible sur la chaîne téléachat, elle avait composé le 0 892 01 02 03 0.34€TTC/mn hors surcoût éventuel selon opérateur. Elle buvait alors littéralement les paroles de Pierre Bellemare ce messie qui ne cessait de marteler d'un ton professoral : "Offrez-vous une séance de massage sans bouger de chez vous ! Ce fauteuil avec repose pieds intégré et une base tournante est une petite merveille technologique : avec 8 moteurs et ses 10 programmes, il masse les points stratégiques du corps, à savoir les épaules, le dos, les mollets, les cuisses, la nuque." La nuque. C'est la nuque de Loic que le couteau de cuisine traversa ce soir-là à l'auberge, ne lui laissant alors aucune chance de survie. L'avait-elle oublié ? Ou bien avait-elle jugé préférable de ne plus jamais y penser, sous peine de ternir ses derniers jours au soleil ? Elle qui avait quitté son Finistère suite au décès de son mari, une mort qu'on qualifia de naturelle cette fois-ci. Normalement les Bretonnes ne quittent pas leur pays, surtout à son âge. Au contraire, elles s'y enracinent comme des terriennes, au point d'en faire un acte mystique, pour y rejoindre la nature, les élements du Triskell, c'est très celte et très légendaire tout ça. Pas elle. Borme les Mimosas ses couleurs du Midi et ses côtes de Provence le long de la RN98 lui rappelaient avec une douceur sans cesse renouvellée ses meilleures vacances avec Jacky. Une vie ponctuée de drames jusqu'à la fin mais aussi de si intenses moments de bonheur, comme toutes les vies en somme, mais la force avec laquelle elle revendiquait la sienne en faisait une personne foncièrement différente, "un personnage la Bretonne !" comme disent d'elle les habitants de ce petit village de Bormes les Mimosas, bercé à la belle saison par le chant monocorde des cigales.

Pourtant, c'est bien un vent breton un avel frais et vif qui vient tremper son visage et l'enveloppe complètement à l'instant précis où elle s'assoit dans son fauteuil massant et chauffant, pour la dernière fois. La Bretonne c'est ainsi revient toujours en son pays.

Plus:

http://www.bormeslesmimosas.com/


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vendredi 26 août 2011

A Tripoli, Kadhafi sirote un sex on the beach

Le barman shake, shake, shake le verre tulipe, y dépose un morceau d'ananas et une cerise confite. Et voilà, M Mouammar, votre cocktail est prêt! Son fils Saïf l'embrasse il revient d'Abou Salim où il a vu la mort en face, la balle du sniper sifflant au raz de sa tempe, laissant apparaître un mince filet de sang déjà séché. Il n'y a que les Américains pour parler de friendly fire mais il se pourrait bien quand même qu'il ait été victime d'une belle boulette de la part d'un de ses partisans. C'est la guerre, dit son père, arrivant en plein dans la liqueur de melon, est-ce que tu as la valise avec toi ? Oui, cette pute d'amazone a bien failli me la chourer quand les rebelles m'ont attrapé mais depuis, elle est en permanence avec moi et je compte bien la mettre à l'abri quelque part en lieu sûr avant de revenir et sauver notre grand pays! C'est bien mon fils, le guide lui montra alors la sortie en l'exhortant de prendre soin de la valise comme de sa propre vie. Mais savait-il au juste ce qui s'y trouvait exactement ? Il termina délicieusement les quelques glaçons au jus de cranberry. La vodka était - il le sentait - entrain de parcourir ses veines.

Plus:
http://www.lexpress.fr/actualite/monde/la-fratrie-kadhafi-et-ses-guerres-intestines_965463.html


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jeudi 25 août 2011

A Milan, on retrouve l'homme au cou de taureau

On retrouve l'homme au cou de taureau à l'automne quelques mois après la mort du jeune Loic Kervadec "sauvagement assassiné" dans une auberge catalane. Il n'est pas encore le hobo stellaire fuyant vers Guadalajara ville dont il ne soupçonne même pas l'existence. Il ne semble également pas se souvenir de Lloret de mar et s'il devait dire quelque chose à ce propos il dirait probablement "un accident". Il ne sait même pas d'où il vient et pourquoi il est là. Son histoire est peut-être à chercher dans les tatouages mais ils pourraient être aussi bien gitans que maoris, c'est ce qu'il se dit souvent au fond de lui. Il devrait alors penser à chercher sa fiancée quelque part dans un village des Carpates contre une belle dot aux parents ou en remontant patiemment un lagon azur bordé de plantes tropicales pour se présenter devant sa promise, et cela fait une différence. Sa langue ? Il ne parle pas. Ou quelques mots à peine, pas assez pour remonter l'arborescence linguistique et mettre une origine sur son visage. L'homme au cou de taureau que nous appellerons désormais Paco n'a rien d'espagnol même si on le prendrait volontiers pour un maure, un andalou trapu dont le physique impressionnant est le résultat de plusieurs années de travaux dans les champs. Au contraire de tout ce qu'on attend de lui, Paco made in quelque part dans le monde travaille aujourd'hui sur un défilé de Salvatore Ferragamo. Dieu seul sait comment il a pu décroché ce job qui pour autant lui va comme un gant. Il est posté au début du podium et contrôle que rien ne gêne la sortie des mannequins droguées à la vodka-valium, chancelant comme des brindilles nues sous le regard lascif et/ou cocaïné de centaines d'invités. Il repousse la caméra de Fashion TV indésirable ici en cas d'alerte incendie, il vérifie les badge de quelques VIP habilités à entrer backstage, il suit le trajet des spots bleus éclairant le sol laqué au rythme du dernier tube de Lady Gaga, et quand maladroitement il aperçoit un model parvenant à peine à soutenir le bracelet qu'elle porte à la main il voudrait la libérer tout de suite car cela lui rappelle..cela lui rappelle quoi au juste ? Il n'arrive pas à s'en souvenir. Bien bel homme dans son smoking tiré à quatre épingles il ne porte pas d'oreillettes comme la plupart de ses collègues. Pas besoin de demander du renfort, il doit agir seul (bien sûr dans la limite de certaines règles très strictes que lui a édicté le responsable du défilé, un certain Rocco qui va t'on savoir pourquoi a vu en lui le gorille parfait pour régner sur sa jungle). C'est maintenant l'entrée de la mariée il ne voit pas sa robe mais la devine élégante au crépitement des flash, et surtout au son de la musique classique qui enveloppe la salle ce n'est plus l'infame Lady Gaga cette musique est douce et calme et lente on dirait presque une musique de retrouvaille quand le héros rentre chez lui à travers une longue épopée et qu'il retrouve sa femme, ses enfants qui l'ont attendu et lui ont survévu (sauf qu'il découvrira ensuite que les choses ne sont pas si simples). Salvatore fini alors par entrer en scène, attention c'est l'acmé, mobilisation générale parmi les bodyguards, il ne faut en aucun cas qu'il arrive quoique ce soit au patron dont le visage a été plus de fois lifté qu'une pauvre petite balle de Roland par Rafael Nadal. Applaudissements. Reprise. Applaudissements de nouveau. Le rideau tombe pour de bon. A ses pieds il découvre un journal jeté pour lui expressément : El Pais titre en police Majerit à larges caractères : "Deux frères relance la piste du boucher de Lloret".

Plus:
http://www.ftv.com/


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mercredi 24 août 2011

Quelque part en Belgique, trois Bretons terminent un chantier

C'est un champs d'algecos quelque part en Belgique au milieu des tulipes importées du plat pays ou alors de Biélorussie.  Aucune certitude. Il se dégage quand même une mélancolie slave mais on pourrait la dire belge aussi. C'est la fin du chantier. On allume un brasero, ça devrait bientôt être la fête comme à la maison se disent Yohann, Loïc et Renan, les contremaîtres bretons. L'ouvrage d'un blanc immaculé a mobilisé plusieurs centaines de charpentiers, soudeurs et boulonneurs du monde entier. Les larmes de fatigues ont rendu le terrain acide, Yohann est aphone d'avoir trop crié dans le talkie-walkie, il ne pense qu'à une seule chose : faire le vide. Ses deux frères (enfin Loïc n'a pas le même père mais le petit dernier est quand même un sacré pilier de la fratrie toujours partant pour de nouvelles aventures c'est lui qui avait motivé le reste de la troupe pour ce chantier : vous vous rendez compte la nouvelle travée du Recouvrance, inratable, c'est notre chance !) dansent autour d'une bouteille de cidre en admirant l'ouvrage qui leur a pris des mois, des peurs et des pages. Elle supportera le poids des rames du futur tram, se lèvera à cinquante mètres pour laisser passer les plus gros vraquier, bref elle fera la fierté de tous les Brestois et surtout de moi, précise Loic, pas peu fier et visiblement enchanté par l'atmosphère de fin de chantier. Depuis leur enfance qu'ils associent au goût acidulé des kremas et aux jeux de pirates dans le jardin de leur grand-mère à l'entrée de Kersaint, les trois frères sont inséparables. Il est donc normal, au long bruit sourd de la corne de brume annonçant la fin définitive des travaux et le rappel de tous les ouvriers pour les festivités, que tous les trois tombent dans les bras les uns des autres. Lourdement. Yohann après avoir demandé leur attention d'un léger mouvement d'index leur dit ensuite tout bas, presque en chuchotant avant de finir avec ce qu'il lui reste d'exclamation : les gars, barbeuc' avec les collègues et c'est parti pour un mois de fiesta en España!

Ils exultèrent alors bruyamment tous ensemble à la we-are-the-champions-my-friends et surent dans l'instant qu'ils allaient se souvenir à vie ou au moins pour très longtemps de ce long moment de bonheur dans les champs. C'est une certitude.  

Plus :
http://www.letelegramme.com/local/finistere-nord/brest/ville/pont-de-recouvrance-travee-en-vue-au-large-d-ouessant-12-07-2011-1364583.php


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lundi 22 août 2011

A Lloret de mar, là où tout a commencé pour le hobo

Deux ans auparavant dans la salle à manger déserte d'une auberge de jeunesse catalane peut-être bien
Lloret de Mar à en juger par les cris hystériques des anglaises spring-breakant dans les dortoirs
un garçon immense cou de taureau et peau métissée parcourue de tatouage tribaux
s'avance vers le pichet de vodka citron posé au centre de la table commune
par un groupe de touristes français sorti fumer leur garrot. Cul sec
et reviennent les français. Impossible de comprendre quoi que
ce soit quand le plus téméraire du lot s'empare furieusement
d'un couteau dont la lame est encore rouge de la pizza
cappriciosa il fonce tête baissée et le garçon au cou
de taureau s'empare du tablier cela ressemble à
une corrida elle se termine comme il se doit :
le Français est mort.

Plus:
http://www.ouest-france.fr/actu/actuDet_-a-Lloret-de-Mar-des-Francais-sont-mal-vus-_3636-1914473_actu.Htm?xtor=RSS-4&utm_source=RSS_MVI_ouest-france&utm_medium=RSS&utm_campaign=RSS


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vendredi 19 août 2011

A Guadalajara, le hobo s'échappe

Ce type a traversé le pays
plus qu'il ne compte
d'orteils et de doigts
il a vu les étoiles apparaître
puis se mettre à danser
avant qu'elles ne disparaissent
sous un voile de nuages,
une vraie sauce épicée :
ciel rouge
et piments volant
vers un arbre où se
poser;

la nuit, définitive, est annoncée
par le hululement d'un hibou
plus mexicain
que n'importe quelle bouteille
de Tequila Sauza.

Le hobo et le hibou
partagent un bout de nuit.

Lui, à son aise,
est adossé à l'arrière
d'un pick-up fonçant
sur une route cabossée
flanquée d'un large
fossé où jonchent,
pêle-mêle :
cadavres de rongeurs,
flasques d'alcools forts
et plastiques non-recyclables;

un vent chaud et sec
balaye son visage
comme dans un beau
voyage.

Plus loin, de la fumée s'échappe
du volcan Primavera
juste après les premières
lumières de la ville :
un bar, un bordel
et un supermarché 24h/24.

Une nouvelle saison s'ouvre
à lui et il le sait d'instinct
en posant la paume tatouée
de sa main (un maori à la gloire de Kena?)
sur la valise qu'il a tant désirée
et avec qui il va maintenant entrer
à près de soixante miles à l'heure
dans la bouillonnante Guadalajara.

Plus:
http://vive.guadalajara.gob.mx/


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mardi 16 août 2011

A Mexico, j'ouvre la valise

Je regarde défiler la parade
depuis la tour Latinoaméricaine
brièvement
repense aux capitales européennes
qui se déchirent dans des ravins
de sang -
Tierra y Libertad ! restera l'unique slogan.

Passé à travers la fenêtre des ténèbres
je suis ici pour toucher de mes mains
la lumière
et réfugié en son sein, caressant
la poussière d'une bouteille
                                            de costières
                                                               dont je sens le tannin
                                                                              sur la table en verre
je contaste,
dans une approximation du bonheur
qu'aucun tirailleur
ne me surveille
sur ma plage,
à cette heure.

Le Mexique devant moi s'étend à l'infini
les autopistas sont des rubans qui traversent
les champs de cactus
par delà la salle de bain de Frida
et les fresques merveilleuses de Diego Rivera.

Ici, en général, un train déraille et on pense
à Pancho Villa
qui s'apprête à entrer en ville
sombrero de paille et moustache bien accrochés
sous les hourras de quelques paysans
quelque part vers 1913
et qui comme le dit alors John Reed
dans le Mexique insurgé
part, tel un bandit récemment alphabétisé, à la reconquête de son pays avec
                                                                                    quatre compagnons
                                                                                               trois chevaux d'appoints
                                                                                                       deux livres de sucre et de café
                                                                                                                                     et une livre de sel.

Lorsque j'aperçois l'attroupement des badauds
                           los mirones
devant la Zapateria San Antonio à l'angle des rues
                       Victoria y Uruguay
je pense donc naturellement à composer le numéro azur
                       de la Révolution :
on voit de plus en plus de terrorisme d'extrême droite
                     partout dans le monde
et au Mexique, devenu désormais l'ultime bastion des indignés
même la dernière fois un allumé
a fait sauté tous les tambours
d'une laverie automatique
à la dynamite maison
selon une recette antique,
du C4 et un téléphone portable :
une dizaine de morts et du linge tâché de sang
pour les siècles à venir.

- Rien de tout cela, Señor
les habitants sont venus écouter
le Lac des Cygnes
joué par un descendant de Tchaikovsky
un russe il va de soi,
et l'on perçoit au bout du fil
entre le standard
et ici
entre la voix
                                                  (qui ressemble vaguement à celle de Marion Cotillard
                                                    penchée au bord d'une falaise new-yorkaise
                                                   je veux dire le même timbre que l'actrice oscarisée
                                                   mais dans sa version exaltée)
et l'oreille du jeune homme
terminant sa poésie
que l'on est déjà pleinement
entré
dans les rêveries
du Prince Siegfried.

Le téléphone coupé
immédiatement
la sonnerie de l'interphone retentit
produisant chez moi le même effet de surprise
que lorsque je ne dansais pas encore avec les morts.

A mes pieds, la valise grande ouverte allait changer
bien des choses.

Plus :
http://www.humanite.fr/11_07_2011-le-myst%C3%A8re-de-%C2%AB%C2%A0la-valise-mexicaine-de-capa%C2%A0%C2%BB-476206


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vendredi 12 août 2011

A Londres, on se fait voler en chemin

Les émeutes communautaires
communes
pour le commissaire
commodes
pour le communiquant
complexes
pour le comte
de Cadbury
en robe de chambre
du chocolat sur les
commissures
Chérie viens voir à la télé
y'a les pakis ils pètent
un plomb!

Le combattant, lui,
quand il sort de chez maman
couvert de simili cuir
armure contre les arguments
                                                 simili combattant
voit la compote des cerveaux
s'en fait un régal fasciste
de la couleur qu'il veut
il est le nouveau militant
rebelle
qui tire les eastpack
et se fait la belle à
à 5 contre 1
pas assez malin
pour t'arnarquer
sur ebay
sans doute trop lâche
pour faire sauter
un fourgon ou une tour de la city
                                                   pourtant sans défense
                                                                face aux agences : ah ah ah !

No, notre facho
il sent que c'est chaud
alors il prend des
barbituriques
avec un soupçon
d'amphétamines
et s'en va casser sa barre
à mine sur
la tête du gamin
au sac à dos
qui ne demandait
rien à part
peut-être mais nous n'en
saurons rien
serrer la main aux
Bobbys et corriger
son accent en
chemin.

http://www.rtbf.be/info/monde/detail_pas-de-pitie-dans-les-emeutes-blesse-un-jeune-homme-se-fait-voler?id=6574353


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jeudi 4 août 2011

A Londres, on est appelé par le destin

La bière avec les collègues
le jeudi au pub
avec son buddy
rue de Carnegie
alors Jack
que j'entends
derrière moi
tape lourde
sur l'épaule
endolorie
où est ta French
touch
you drink too
much
il faut qu'on y aille
Jack
on a rendez-vous
au Charity ball
on doit faire des photos
avec des people
Mika
Lilly Allen
Ashley Cole
et tu sais quoi la petite Pippa
elle parle de toi
depuis qu'elle
a lu tes vers
que tu as taggé
sur la chaise d'arbitre du court
Phillippe Chatrier
"le petit suisse encaisse / les coups de Narcisse / en pleine liesse"
Le Charity
eh oui pour une fois
c'est pas samedi
That's London
tu peux décrocher
la couronne
en personne
et toi t'es là
comme pendu
à la tireuse
bientôt plus vide
que ton verre
absent
sans
énergie
mais je t'assure
Buddy, tu dois
absolument te ressaisir
ils t'attendent
the cream of the crop
tu es le nouveau
poète disparu
et Londres veut te voir
pour cette soirée
absolument
gigantesque
grandiose:
100 peintres flamands
pour sauver le flamant 
rose 
ça ne rime qu'en
français
un coup marketing
pour le WWF
qui en coulisse
assume que le
flamand
-le peintre-
est davantage en voie
de disparition
que le flamant
-l'animal-
c'est drôle ce que je
raconte?
Toi t'aimes ça
Van Dick, Rubens, Teerlinc
y'aura aussi
le régime de banane
les éviers
et de nombreux portraits
de Lucian Freud
le fameux
du surréalisme
minutieux
plein de visages
macérés
des lèvres
gercées
des corps
marbrés
tu verras
les creusements dans
la peau
l'expression picturale
l'épaisseur de la touche
                                             finale
le roman familial
des peintures
qui inspireront
tes futurs
chefs-d'oeuvre
Jack, come-on
stop drinking
like a fish
tiens tu as perdu
ça
tombé de ta veste
que j'ai récupérée
à l'entrée
-C'est quoi cette carte ?
Je vis d'un oeil
renaissant
qu'il sortit
celle du pendu
la douze
                                celle du condamné
                                                         à boire des pintes
                                                                     en attendant un horizon
                                                                                                         dégagé
                                                                   ce soir le passif
                                      qu'il a été
qu'il est encore
manifestement
pour son ami
                             est pris en main
                                                                         par son destin
et c'est tant mieux
pour lui!

-Mike, t'as ton parapluie
let's go ?

Ce dernier
ravi que sa tirade
ait à ce point porté
ses fruits
pris alors
la carte et la glissa
à la page 3 du Sun
négligemment
posé sur le comptoir
la faisant ainsi
disparaître
à jamais
entre les seins
de la playmate
qu'il comptait
bien draguer
ce soir.

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mercredi 3 août 2011

A Macao, à l'école de Magie

Alors Janice Na-Tcha
la fausse hôtesse de l'air
la vraie magicienne
me remit en main
le grimoire
un bouquin gros
comme ça
devant tour à tour
m'apprendre
comment tordre
le cou au destin,
compter,
empalmer,
réciter les boniments
imparables
ou le transformisme
incroyable
de Maître Yoshi
(vous savez ce japonais
qui au dix-neuvième siècle
pouvait se changer
en serpent)
à mi-chemin entre
le magicien, le roi de la
cabbale et
l'illusioniste roi de
l'escamotage.

-Janice, je te préfère en PNC
quand tu fais démonstration
des consignes de
sécurité
je suis peut-être le roi de la
cavale mais ne compte pas
sur moi pour la cabbale!

-M. Polo, nous avons retrouvé
dans votre poche la carte du
bateleur : tout est dit.

- Tout est dit ? Nous ?

- M. Polo, vous avez un destin

- Oui, et vous m'apprenez justement
à lui tordre le cou

- M.Polo, connaissez-vous Ramon Mercader?

- Oui, le catalan qui a tué Trotski au Mexique, je connais
l'Histoire, merci, j'ai lu l'Homme qui aimait les chiens

-Alors vous savez qu'il trouva le piolet planté dans un tronc
d'acajou le jour où il se promenait à son motel

-Oui...

-Votre piolet, M.Polo, c'est cette carte (elle montre le bateleur)
il existe deux autres cartes qui ne se sont pas encore révélés
mais que vous devez faire apparaître lors de votre séjour à Macao
car nous sommes persuadés que vous êtes programmés pour une
trajectoire grandiose.

(Je repense à Jacques Mornard, Frank Jacson, Roman Pavlovitch, les
nombreux noms d'espions du soldat 13 et son entraînement dans le bois
de Malajovska)

-Nous ce serait pas le Cercle des poètes chinois disparus?

(C'est pendant un rêve là-bas à Canton que j'ai vu de la robe de la gitane
tomber ces trois cartes dont me parle Janice, que je revois encore dans son
corset violet de la Thai Airways, me servant sur un plateau les petits chous
à la vapeur farcis de tant de surprises)

-Nous avons liquidé le docteur Shan, il faisait du mauvais boulot. Vous ne
voulez pas faire du mauvais boulot, M.Polo ?

-Bien sûr que non, je ne veux même pas faire de boulot. Je suis un poète
qui voyage librement, c'est tout, j'aspirais me former un peu à la
prestidigitation parce qu'il faut bien vivre et que les vers ne rapportent pas
mais vraiment, loin de moi, l'idée de devenir la main pleine de sang
d'un complot international.

Janice déboucla alors sa ceinture et se jeta sur moi, avec une vigueur presque
érotique
pour me faire avaler une minuscule pilule rouge qu'elle eût la bonté de faire passer
avec un trait de scotch
suivi d'un long baiser appuyé de ses lèvres légères.
Cela devait faire partie du plan.

-Dors, Jack.

lundi 1 août 2011

A Macao, en avant pour le grand saut !

Les statistiques me feraient
presque
tourner casaque
si je vous le dis
c'est que je compte
les lettres
                        les pas
                                         les jours
                                                           les centilitres
à en être maniaque
des mathématiques
engendrés par 
ma vie
le tic-tac
des montres
des horloges
publicitaires
                          nettoyées à l'ammoniaque
de mon horloge biologique
qui me rend
de manière chronique
insomniaque
me surprend au pied du lit
penser à 
un plan solide
dont je cite un exemple
pour mémoire
"alors oui on pourrait faire ça
c'est simple 
déplacer les départements
et partout enseigner 
la contre-attaque
des mots
jeter son Kodak
dans le caniveau
garder la pellicule
sous son chapeau
et prendre
rendez-vous 
avec l'histoire
                         le temps 
                                             l'espace
pour revenir
en magicien 
irréprochable
anorak à même
la peau
distribuant 
aphrodisiaques
en cacao
dans les rues
de Macao".

Hello !
Le poème n'est pas fini
il commence :
j’atterris à onze heures et demi
mon portable est sans batterie
mais l’hôtesse nous précise bien l'heure
avant qu'on ne 
l'oublie.

Remarque de mon 
voisin :
son tailleur est taillé
pour l'aventure, hein
tu trouves pas?
Robert Mitchum,
citoyen américain,
j’acquiesce bien 
volontiers
ton avis cavalier
mais please
ne sois pas trop
lourd quand même
si tu ne veux pas
terminer
dans la soute
empilé
entre les valises Delsey
et la cage de Mammouth
le fidèle compagnon
de ta copine qui
de l'autre côté de la rangée
ose encore arborer
un sac croco
d'imitation Louis Vit-on? 

Dans ma tête le riff
de guitare dure
des siècles
au moment où les passagers
y compris mon voisin
Robert Mitchum
et sa copine
la maîtresse
de Mammouth
débouclent 
furieusement
leurs ceintures
avec toute
l'adrénaline
d'une arrivée
pleine d'espoirs
de fantasmes
et de non-dits...

Le riff fait que
je lévite
encore
un long moment,
penché contre 
le hublot
observant
l'Asie
si proche de moi
me demandant
si Canton 
ne me retrouvera
pas
dans un de ses casinos
qu'affectionne
la population de 
Macao.

Je me suis 
alors endormi

(d'un sommeil si lourd qu'on peut le croire provoqué)

réveillé
seulement
par une voix
de meuf
dans un bus
flambant 
neuf 
de la Transmac


(j'ai traîné dans trop de cités pour ne pas user du ver lent)

(j'ai dû aussi constater que le terme le plus approprié
 rimant avec neuf n'était pas boeuf, ni oeuf, ni teuf-teuf vous imaginez sinon :

Je me suis 
alors endormi

(d'un sommeil si lourd qu'on peut le croire provoqué)

réveillé
seulement
par l'odeur
pourrie d'un 
oeuf
dans un bus
flambant 
neuf 
de la Transmac


ou encore :

Je me suis 
alors endormi

(d'un sommeil si lourd qu'on peut le croire provoqué)

réveillé
seulement
par le cri 
d'un boeuf
qu'on égorgeait
dans un bus
flambant 
neuf 
de la Transmac


et pour achever ma 
démonstration :

Je me suis 
alors endormi

(d'un sommeil si lourd qu'on peut le croire provoqué)

réveillé
seulement
par le teuf-teuf
d'un bus
flambant 
neuf 
de la Transmac


Alors voilà pourquoi
sans sa meuf
le poète serait bien ridicule!)

J'espère que vous
n'avez pas perdu le fil

Je suis donc assis
dans un bus de la
Transmac, a priori
à Macao, en Asie.

Paupières encore
léthargiques
fixant les majuscules
énormes
Give me a T
Give me a R
...
le bus est
un monstre
de puissance
montant 
à vive allure
la colline de Guia
                                      -la côte combien de pourcents ?-
qui comme le 
dit très justement
la vidéo de 
l'Unesco
renferme 
une chapelle
et le plus ancien
phare des mers du 
Sud.

1622
mille six cent vingt-deux
1 - un
                 6 - six
                             2 - deux
                             2 - deux
me répète
instamment
la meuf penchée
sur moi.

-1622, c'est la date où
les colons portugais
entreprirent la construction de
ce phare.

(Hein, quoi ? 
C'est l'hôtesse !)

- Bom Dia
Niko Polo
Bienvenue 
à Macao
Je suis Janice 
Na-Tcha
et je vais
t'apprendre 
l'art de la 
Magie!

1+2 = 3
2*6 = 12
12-3 = 9
le compte est bon !


Dernier reflux triomphant
de mon ancienne vie
intoxiquée de chiffres 

et de raisons

-Il va falloir s'oublier pour se découvrir, Monsieur Polo

C'est ainsi que le voyage
avec la meuf qui rend neuf
commença, quelque part en territoire
chinois.

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jeudi 28 juillet 2011

Transition (au fait, tu sais ce que tu vas faire ?)

-Le père : au fait tu sais ce que tu vas faire? 
-Le fils : non c'est encore trop tôt, il faut attendre de voir ce qu'il est possible de faire.
-Le père : mais tu dois bien avoir une idée quand même ...
-Le fils : oui, je travaille sur quelques pistes
-Le père : Lesquelles?
-Le fils : par exemple entraîner les taïkonautes à la survie interculturelle au cas où ils retomberaient au milieu de l'Afrique Noire ou de la cordillère des Andes, ou autre option lancer la ligue internationale de défense des défenses d'éléphants en y impliquant une grande star hollywoodienne (je suis en contact avec Eva Mendes, enfin avec un gars qui bosse pour les studios de Luc Besson et qui lui connaît untel qui connaît son agent, bref Eva elle va m'aider) ou bien alors si ça prend l'eau je pense à faire Magicien à Macao, il existe une école inconnue où je peux apprendre tous les trucs et les tours de passe-passe en un temps record, d'ailleurs là je dois prendre l'avion et fuir ces gaz mortels, ah si je pouvais les changer en parfum de rose, bon je te laisse Macao m'attend ,je te raconterai...

Le père le regarda prendre son sac et partir avec un bref au revoir, se demandant comment il pouvait se sentir à ce point éloigné de son propre fils qu'il considérait comme fou (comment peut-il penser à de tels projets? et pis, comment peut-il croire les réaliser? Il ne parle pas chinois, je ne crois pas avoir noté chez lui un intérêt quelconque ou au moins suffisamment soutenu pour l'astronomie, connaîtrait-il encore les animaux sauvages aussi bien que moi qui ai parcouru toutes les réserves de la Zambie à la Namibie....) tout en se disant qu'il ressentait une pointe d'admiration ou de fierté, aussitôt balayée par le seul jugement qui pouvait bien le rassurer dans ce qu'il lui restait d'autorité : "non, il n y arrivera pas et je vais lui démontrer pourquoi". Sur ce, il pensa immédiatement qu'il était urgent d'aller nettoyer le monospace maintenant s'il ne voulait pas arriver trop tard à la boulangerie. S'il était en retard une nouvelle fois sa femme ne lui pardonnerait pas.

Le fils, lui, avait voulu partir vite, sachant que son père ne comprenait jamais rien à sa démarche, pourtant somme toute logique avec le personnage : voyager, rêver, rire, sourire, donner une perspective hors de l'immense rouleau du  métro-boulot-dodo qui t'entraîne à devenir triste, casanier, et à économiser toujours quelques centimes de plus pour ce pavillon de merde que tu crois être l'aboutissement ultime d'une vie où tu as courbé l'échine sans jamais te poser la seule et unique question qui vaille sur cette putain de planète : comment être moi? Je suis surfeur!, avait-il crié intérieurement et ce rouleau, je vais le dompter et en faire une figure artistique que les juges sans repère essaieront vainement de noter. Sans aucun doute, la liberté était un virus qu'il voulait transmettre et en ce moment il avait besoin d'un rappel. Il avait bien essayé de motiver ses parents à voir les choses autrement, à briser sans cesse les chaînes de leur passé pour voir que devant il y avait du neuf, nécessairement inconnu, mais c'était peine perdu voire couru d'avance car pour croire un fou, il faudrait être fou soi-même.