vendredi 7 octobre 2011

A Budva, Saïf n'est pas si naïf

Saïf faillit avoir une embolie pulmonaire la dernière fois qu'on frappa à la porte de sa chambre, alors qu'il se laissait séduire par la promesse de la jouissance en un click proposée dans une interface plus que tactile par le site révolutionnaire usex.com.  Pour une fois que le mot-clé n'était pas "valise". Cette foutue valise. Elle hante son esprit, se cache dans l'entrejambe rasé de cette adolescente (qui va bientôt disparaître de son écran), mais aussi dans le marronnier de Grèce quand il regarde au-delà de la terrasse, à travers les glaçons fondus de son scotch, et qu'il voit les chenilles devenir papillon, les condamnés des pendus, les insectes s'envoler, un coucher de soleil sur l'échafaud, une exécution écologique, au milieu du désert, sans émission de carbone, puis les fosses communes, le retour à la terre sans sacrement, et bientôt il y aura des panneaux solaires pour alimenter la potence et les coups de pelle c'est une bonne idée et il devrait le dire à papa pense t-il sous les danses ivres le rire des fêtards le souffle frénétique dans les trompettes et la sueur sur le front des musiciens patriotes investis qui le transporte insidieusement au coeur d'un manuel de géographie, en plein réel, cette sueur qui délimite les frontières serbes croates monténégrines ou kosovares mieux encore que tous les rivages de l'Adriatique et les chaînes de montagne décidément aussi peu fiable que les prévisions des sismologues et boursicoteurs occidentaux. Son pays est si loin, sa névrose si proche.

L'autre soir, quand cet allumé de Breton (c'est quoi c'est où la Bretagne ?) est venu le voir dans sa chambre qui était celle dans laquelle il aurait du goûter encore une fois la peau salée de Maricris sous un air de vieux rock and roll sur un lit de dollars elle nue avec des escarpins rouges la valise au pied du vaisseau devant les emmener tout droit au septième ciel, il se sentit très seul.

Quand ce taré lui décrit la personne qu'il recherchait, coupures de journaux à l'appui, photos, portraits-robots, obsessions d'un justicier en mission, prêt-à-tout, jusqu'à lui montrer l'empreinte d'un index sur un paquet de chips, et qu'il rêvait de mutiler comme le font d'eux-mêmes les yakusas en faute, et plus si affinités ; quand ce taré en vint à bout de souffle conclure qu'il lui devait de l'orienter sur la bonne piste enfin puisqu'il avait des infos cela lui avait été confirmé à Belgrade de source sûre (de source quoi?), Saif vit un éclair fulgurant traverser son esprit.

Il eût l'impression d'avoir le cerveau coupée en tranche et ce fût bien vrai quand il reconnut le visage de Myrina l'amazone qui avait tout fait pour lui voler la valise, de Misrata à Tripoli. Acide fut l'accès de surexcitation cérébrale. "Je vous ressert, M. Al-Islam?". Ce fugitif devait être le fils de Myrina, donc son demi-frère. Le viol en série a lui aussi ses défauts de fabrication.

L'alliance qui suivit si naturelle soit-elle ne se régla pas à coup de paraphes et de stylo-plumes : retrouver "le boucher" c'était retrouver la valise et donc l'appétit de vivre. Une faim qui justifie les moyens : une poignée de main et une virée au bordel dans laquelle Yohann vit une obligation professionnelle et Saïf une rédemption. Ils masturbèrent ensemble la bouteille de vodka et parvinrent enfin à un accord alors que d'étranges cygnes tournoyaient sur leur table VIP. Yohann travaillerait pour Saïf, qui le financerait dans le but exclusif de mettre la main ce sur parent devenu la pire des nuisances pour son régime.

Plus:
http://www.youtube.com/watch?v=rk3T2NP9Y5o

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