Je déguste verticalement l'horizon
au passage à niveau
salue le garde-barrière, un pochtron
qui fait son signe de croix
en sifflant sa chopine de merlot.
Il est connu pour tout rafler
un puit sans fond
doublé d'un avare
près de son pourboire
paraît qu'il est tombé dans un tonneau
et que faut pas lui parler
des petits nouveaux,
ni de gagner au loto.
La ville n'est plus très loin
sur les coteaux
comme autrefois Jésuites et Augustins
j'ai le gosier sec
en traversant l'insipide banlieue
sans train,
sans raisin,
sans rien à picole, vieux !
Mais Backspool est là
derrière les épis de blé
et le bitume
lacéré
par les pneus
caoutchoutés.
Las, je me fais doubler
par une gitane
au pas pressé
mouvement de robe grenade
ça sent la fleur d'oranger
et les jeux de hasard;
de son sac volent trois
cartes
que je ramasse.
Enfin, la vallée de la Spool:
une collection de tranchées
où coule le rosé
du matin.
La ville se signale à son entrée
par un virage plongeant
dans les notes balsamiques
d'où partent
les téléphériques
menant à son centre.
Je saute dans le mien :
il a le vert optimiste
et sur le côté
un point rouge décidé -
croque une pomme
et en voiture Simone !
Pas besoin
d'effeuiller beaucoup la cité
pour qu'elle se découvre.
De ma cabine je vois :
- une barrière montagneuse qui retient la lie et les trouillards, la ville s'assurant ainsi la visite de citoyens courageux et policés (sous vos applaudissements);
- une grappe de maisons cylindriques, sans doute pour mieux cuver les lendemains de fêtes c'est à dire chaque jour depuis la nuit des temps;
- à mi-parcours l'hospice, dont les créatures sculptées à l'extrémité des poutres observent la file des patients;
- sur ma gauche un mur végétal couvert de vignes en espaliers, où s'affrontent deux joueurs d'une pelote vaguement basque - l'un d'eux claque un joli coup, une demoiselle située plus haut dans les gradins lui montre sa jambe - sans doute la promesse d'une récompense...
Soudain, un vol de papillons
quittant
brusquement
les jardins
flottants.
Les fastes sont aux préparatifs
apparemment
ça tambourine au vent des Andes
et je repense déjà qu'il est temps
de boire
ce qui est en bas;
Pauvre du Sichuan, rembobine ton dictaphone
nous sommes loin de ta Chine
et le poète a soif !
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